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agens du gouvernement auprès des Indiens, les interprètes Richard et Mac-Clusky, accompagnaient les Ogalalas. La Queue-Bariolée avait avec lui le capitaine Poole, agent auprès des Brûlés, et l’interprète Guérut. On avait logé les Peaux-Rouges comme de bons Américains, les uns à Astor-house, les autres à l’hôtel Saint-Nicolas, et on les avait promenés par la ville. Les Brûlés s’étaient même rendus à bord de la frégate française la Magicienne, ancrée dans la baie de New-York et commandée par l’amiral Lefèvre, qui fit à ces étranges visiteurs une réception des plus cordiales. Pour répondre aux politesses de l’amiral, les sachems lui dirent en s’en allant qu’ils préféraient de beaucoup sa frégate au monitor qu’on leur avait montré sur le Potomac à Washington.


I.

J’avais connu au fort Laramie en 1867 quelques-uns des lieutenans de la Nuée-Rouge et de la Queue-Bariolée, ainsi que M. Beauvais et les interprètes Richard et Guérut. Ces trois derniers étaient pour moi comme des compatriotes. M. Beauvais est natif de Saint-Louis, état de Missouri; il est d’origine française, et descend de ces hardis planteurs de la Louisiane qui les premiers colonisèrent le bassin du Mississipi. Richard est enfant des prairies, de sang mêlé, mais son père est Français. Quant à Guérut, c’est du Havre qu’il est venu, il y a quelque trente ans, courir les aventures au pays des Peaux-Rouges. Il eût été difficile d’avoir de meilleurs introducteurs auprès des grands sachems.

La nation des Sioux est la plus puissante parmi les tribus indiennes du far-west; elle compte environ 25,000 individus, partagés en différentes bandes ou clans. On vient de voir que la Nuée-Rouge commande les Ogalalas, et la Queue-Bariolée les Brûlés. Le nom de ceux-ci est français, et il est resté comme tant d’autres dans la langue des Américains ; il rappelle le temps où nos braves trappeurs du Canada et de la Louisiane parcouraient seuls les prairies que nous possédions alors et où notre langue se parle encore. La plupart des noms géographiques de ces contrées lointaines sont français. Un jour que je demandais à Pallardie, un traitant de Montréal qui nous accompagnait dans le Dakota, le pays des Sioux, d’où venait ce nom de Brûlés : « Ils s’appellent ainsi, me dit-il, parce qu’une fois, comme ils étaient campés dans les prairies, celles-ci prirent feu tout à coup ; les sauvages eurent à peine le temps de fuir et en eurent le... dos et les cuisses brûlés. » D’après mon guide, le nom de la Nuée-Rouge aurait été donné au chef des Ogalalas à la suite d’une bataille qu’il gagna : un nuage y couvrit