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réussir en s’étendant sur une longue période d’envahissement progressif.

Malgré tout, le catholicisme demeura en minorité même dans les collèges où il semblait devoir l’emporter; il ne fut représenté au grand-conseil que dans sa forme la plus libérale et la plus modérée. Il subissait d’ailleurs très largement l’influence du milieu; les catholiques animés de l’esprit moderne étaient nombreux, le parti catholique se réduisait à une infime minorité, très ardente il est vrai, mais incapable de modifier la politique générale du canton; un grand travail de rapprochement s’opérait dans les esprits. Le pouvoir civil se dépouillait toujours davantage de son caractère confessionnel. La constitution de 1842 avait été heureusement modifiée sur ce point, on avait pourtant conservé la clause qui portait que la religion protestante demeurait dominante dans l’ancien territoire. Il ne s’était trouvé personne lors du vote pour répéter la parole célèbre de Mirabeau à la constituante : « Dominant! je n’entends pas ce mot. Est-ce le culte du plus grand nombre? Mais le culte est une opinion. Or votre pensée est à vous, elle est indépendante. Rien ne doit dominer sur la justice; il n’y a de dominant que le droit de chacun. » Cette expression malheureuse disparut dans la constitution nouvelle élaborée à la suite de la révolution d’octobre 1846, laquelle fut surtout dirigée contre le maintien de l’ordre des jésuites en Suisse. On se contenta de la désignation de religion de la majorité. La société dite des intérêts protestans abandonna sagement le domaine de la politique, où elle ne pouvait que nuire, et l’action gouvernementale fut remplacée par l’action morale et religieuse du prosélytisme. La constitution fédérale de 1848 contrebalançait l’accroissement des citoyens catholiques par l’adjonction des électeurs protestans des autres cantons, qui obtinrent le droit de vote à Genève comme dans tous les états de la confédération. Cette adjonction diminuait beaucoup la portée du recensement de 1861, qui établissait que la population catholique s’élevait dans le canton au chiffre de 42,000 âmes, tandis que la population protestante ne dépassait pas 40,000. Le gouvernement n’en poursuivait pas moins ses réformes dans le sens de la liberté religieuse. En 1848, le grand-conseil de Genève rendait une loi qui excluait le clergé des deux églises de la direction des écoles. C’est cette même année que fut abrogé le régime des garanties établi par les traités de 1815. Les catholiques de naissance se montraient dans le grand-conseil aussi empressés que les protestans de séculariser l’état, et bon nombre d’entre eux étaient, comme en France, très ardens dans leur opposition au cléricalisme. Enfin en 1860 un député catholique proposa une loi établissant le mariage civil dans les communes qui