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coupée, les femmes sont plutôt de petite stature, de formes pesantes et sans élégance ; leur regard a je ne sais quoi de triste, de résigné, de fatigué, et il en est de même chez toutes les tribus. Certes ce n’est pas ici qu’on peut dire que la femme est la plus belle moitié de l’espèce humaine. Tout le monde méprise les pauvres squaws. « Je ne retiens jamais le nom des sauvagesses, » me répondit dédaigneusement M. Beauvais, quand je lui demandai le nom des Indiennes qui accompagnaient les Ogalalas. Chez les Peaux-Rouges, la femme est en servitude, on la regarde comme un être inférieur. Elle seule fait tous les gros travaux, ploie et déploie la tente conique ou loge qu’elle installe sur ses longs piquets, fait la cuisine, soigne les enfans, tanne les peaux, habille toute la maison, porte en route tout le bagage. Avec cela, on n’a point le loisir d’être belle, tandis que l’homme ne fait absolument rien que chasser, songer à sa parure, discourir et aller en guerre.

Chez les Indiens, comme chez beaucoup de peuples nomades, on pratique volontiers la polygamie, et le peu de cas que l’on fait des squaws n’empêche pas quelques maris d’éprouver le plus vif amour pour leurs femmes, surtout pour la favorite, et d’en être extrêmement jaloux. Un matin, le Faucon-Noir peignait sa femme avec ce soin et cette lenteur particuliers à sa race, et lui dessinait au vermillon, sur le milieu de la tête, la raie que toute Indienne doit porter. Je me laissai aller à prendre à pleines mains les cheveux de la Vache-Blanche et je fis mine d’en couper une mèche, non pour la garder en souvenir, mais pour l’envoyer à un savant anthropologiste qui a classé les races d’après l’étude microscopique de la section des cheveux[1]. Le Faucon-Noir me regarda de travers en grommelant et mit la main sur son couteau à scalper. Je ne pus parvenir à le convaincre de l’honnêteté de mes desseins, et tout le jour nous restâmes brouillés à mort.

Tous les sachems et les squaws que j’avais devant les yeux présentaient les mêmes caractères physiques, ceux de la race indigène des deux Amériques. La peau est bistrée, allant de la couleur du chocolat à celle du cuivre ; de là le nom de Peaux-Rouges sous lequel on distingue les Indiens, surtout ceux de l’Amérique du Nord. Les cheveux, noirs, longs, raides, jamais crépus, ne blanchissent pas. La barbe est rare et même absente, parce qu’on s’épile soigneusement. La prunelle de l’œil est noire, le regard sérieux, les paupières sont obliques. Dans les crânes, l’orbite de l’œil est large, carrée ; les pommettes sont saillantes, les lèvres fines, serrées ; le

  1. La section des cheveux, examinée avec un fort microscope, est, paraît-il, ronde chez les blancs, ovale chez les Indiens, elliptique allongée chez les noirs.