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mariage civil obligatoire et mettaient un terme à des empêchemens injustes, maintenus dans certains cantons par le clergé. « La confédération, disait le rapport, ne reconnaît aucune communauté ou dénomination religieuse ; elle ne les connaît que pour protéger leurs libertés et pour faire régner la paix entre elles. Elle ne défend ni une confession ni une église; elle défend l’individu en lui assurant le respect de sa croyance et sa liberté de conscience. »

On remarque une lacune dans cet exposé de principes. Il ne suffit pas de protéger les libertés individuelles, il faut encore garantir la liberté de l’association, surtout dans le domaine religieux, car l’église n’a pas d’autre base. Si l’individu est gêné dans son droit de s’associer conformément à ses croyances, toujours à la condition qu’il se soumette aux lois, sa liberté n’est pas suffisamment respectée, car elle ne se termine pas à lui, elle implique la libre association. Le grand danger de la démocratie autoritaire est précisément de ne permettre aucune liberté collective. Il est certain que le projet du conseil fédéral péchait déjà par ce côté. La commission législative l’a singulièrement aggravé dans le remaniement qu’elle lui a fait subir. Elle a proposé à l’art. 48 d’interdire absolument aux églises de frapper leurs ressortissans d’une peine quelconque, ce qui équivalait à supprimer toute discipline ecclésiastique. Non contente de l’interdiction de nouveaux couvens, elle défendait à ceux qu’on laissait subsister de recevoir des novices. Le conseil fédéral demandait que la confédération protégeât aussi bien l’église contre les empiétemens de l’état que l’état contre les usurpations de l’église; la commission n’admettait pas que la souveraineté civile pût avoir des torts, et elle ne parlait que de ses droits. La nonciature était abolie, et l’examen d’état était imposé à tous les ecclésiastiques. Ces restrictions, on le voit, étaient toutes dans un sens contraire à la liberté des associations religieuses. Le conseil fédéral les combattit dans les deux chambres avec un succès inégal, car le projet définitif ne porte encore que trop l’empreinte de l’esprit autoritaire.

La discussion s’ouvrit à Berne le 15 novembre dans le conseil national. Le parlement de la république helvétique présente un grand spectacle dans sa noble simplicité. La salle des séances pour les deux assemblées est parfaitement appropriée à sa destination. Elle forme un hémicycle autour duquel les sièges sont disposés en gradins. Le fauteuil du président est très peu élevé ; le conseil fédéral est placé en face de l’assemblée. Les discussions ont lieu tour à tour en français, en allemand et en italien, et un interprète officiel donne un court résumé de chaque discours. Les débats sont graves et libres; les orages sont rares; il semble qu’en s’élevant sur le terrain fédéral