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qui ont eu lieu en 1872 dans quarante-sept localités différentes, exercent la plus salutaire influence, dit le ministre de l’instruction publique. Elles font connaître les meilleurs manuels, les meilleurs procédés d’enseignement et les moyens d’application de ces procédés. Elles créent des centres d’informations pédagogiques, et complètent ainsi la préparation reçue à l’école normale. Il conviendrait d’introduire ces conférences dans toutes les provinces en obligeant les maîtres à y prendre part, en leur accordant, bien entendu, une indemnité de déplacement et de séjour. En Amérique, cette institution est si populaire que les familles se font une fête d’offrir l’hospitalité aux maîtres d’école qui se rendent à la réunion.

L’ignorance est grande dans les campagnes russes. D’après le consul d’Angleterre à Saint-Pétersbourg, M. Michell[1], qui a étudié à fond la situation des classes rurales en Russie, le nombre de ceux qui savent lire et écrire n’est que de 8 ou 9 pour 100, et cependant le paysan russe a l’esprit très ouvert, il apprend extrêmement vite tout ce qu’on lui enseigne. C’est peut-être une aptitude de la race, car, on le sait, nul ne parle plus purement et plus facilement que les Russes les langues étrangères; mais cela peut provenir aussi de ce que le paysan, exerçant tous les métiers, aiguise ainsi ses facultés de compréhension. Non-seulement il cultive les différens produits nécessaires à sa consommation ; mais en outre il construit sa maison, ses granges, confectionne son ameublement, son habillement, ses outils, son chariot, les harnais de ses chevaux, enfin tout ce qu’il peut faire avec les matériaux qu’il a sous la main. La nécessité et l’habitude de penser à tout, de suffire à tout, contribue à développer en lui le goût du travail, le sentiment de l’imitation, et en fait un travailleur étonnant de sagacité et d’intelligence. Il profiterait donc admirablement de l’instruction qui serait mise à sa portée. Instruit, dégourdi, mieux nourri, le Russe deviendrait un des meilleurs ouvriers de l’Europe. On n’ignore pas que son principal défaut est l’ivrognerie; il abuse de l’eau-de-vie, du vodka, surtout depuis qu’elle a baissé de prix et qu’elle est devenue la deshofka, c’est-à-dire la boisson à bon marché. Pour combattre ce vice, qui est un véritable fléau pour les campagnes, le meilleur moyen, semble-t-il, est d’élever le niveau intellectuel des classes rurales, ce qui leur inspirerait des goûts plus relevés et leur ferait rechercher des amusemens moins grossiers.

Les lois d’émancipation de 1861 ont accordé à la commune une autonomie presque aussi complète que celle dont jouit le township

  1. Voyez son excellent rapport dans un Blue-Book de 1870 intitulé Reports from her Majesty’s representatives respecting the tenure of land in the several countries of Europe.