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maximum. Des deux côtés de la trajectoire que suit le centre du météore, la violence du vent n’a pas le même degré d’intensité : d’un côté en effet la vitesse de rotation de l’air s’ajoute à la vitesse de translation, de l’autre elle est de sens contraire ; dans le premier cas, la vitesse totale est une somme, dans le second une différence. Les deux bords opposés où la vitesse est maxima et minima s’appellent le bord dangereux et le bord maniable du météore[1]. Devant les masses d’air animées de la vitesse du bord dangereux, rien ne résiste ; un navire à sec de toile est démâté ou bien couché sur le flanc, il ne peut se relever qu’en sacrifiant sa mâture, si encore on a le temps de recourir à ce parti désespéré. À terre, les arbres les plus forts sont déracinés, les habitans souvent ensevelis sous les ruines de leurs maisons, les fleuves refoulés par d’anormales intumescences de la mer envahissent leurs rives avec une violence et une rapidité qui déjouent toutes les mesures de précaution. On n’a pas oublié les désastres causés, il y a dix ans, par le cyclone qui s’est déchaîné sur Calcutta et sur le delta du Gange.

Engagé dans les circonvolutions du redoutable météore, le marin suit avec anxiété les rapides variations de son baromètre, afin d’obtenir quelques pronostics sur le sort qui l’attend. Les résultats de ces sondages barométriques recueillis, comparés, discutés par les gens de mer et un grand nombre de physiciens, ont conduit invariablement aux conclusions suivantes : au centre du météore, la pression de l’air atteint la plus faible valeur observée ; en s’éloignant du centre suivant un rayon quelconque, on trouve des pressions croissantes, et si nous faisons passer un trait continu par tous les points où la pression est la même, nous formons autour du centre une série de lignes concentriques où les pressions s’échelonnent par degrés croissans des lignes enveloppées aux lignes enveloppantes. En traçant ces lignes sur un plan, elles offrent l’aspect de ces courbes d’égal niveau au moyen desquelles on figure dans un levé topographique une excavation du terrain ayant la forme d’un entonnoir. On ne peut s’empêcher d’être frappé de l’analogie que présente ce phénomène atmosphérique avec ces tourbillons que nous observons dans les cours d’eau à la ligne de contact d’une eau courante et d’une eau calme, ou de deux courans animés de vitesses contraires, ou encore de deux courans de même sens, mais animés de vitesses différentes. Dans ces divers cas, le frottement des deux masses fluides contiguës détermine par places de rapides mouvemens giratoires. Si le mécanisme intime de ces mouvemens est encore entouré d’obscurité, les conséquences en sont faciles à prévoir. Quand une masse fluide est animée d’un mouvement de rotation, ses particules

  1. Étude sur les ouragans de l’hémisphère austral, par M. H. Bridet, 1861.