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chercher la cause des tourbillons liquides ailleurs que dans le frottement de deux courans animés de vitesses différentes. Le tourbillon prend naissance sur la ligne de contact des deux nappes, il se creuse de plus en plus en se déplaçant dans le sens du plus rapide des deux courans, et tourne invariablement à la façon d’une roue horizontale qui, marchant dans le sens du courant principal, serait assujettie à rouler sur cette ligne. Après un parcours plus ou moins long, l’entonnoir se comble et s’efface. Un certain nombre de tourbillons semblables se suivent à la file, ils augmentent de nombre, de profondeur et de violence avec la vitesse du courant prédominant. Nous sommes donc amenés à soupçonner que les mouvemens tournans de l’atmosphère qui se dirigent invariablement de l’Atlantique vers l’Europe sont dus au frottement exercé par un courant aérien dirigé en moyenne de l’ouest à l’est contre une sorte de rive gazeuse formée par l’air relativement calme ou animé d’une vitesse contraire qui s’étend sur les régions septentrionales. L’existence de ce courant, l’analogue du courant marin du gulf-stream, dont il suit sensiblement la direction, est depuis longtemps constatée. C’est ce même courant qui, nous amenant l’air tiède et humide de l’Océan, confère à l’Europe ces privilèges climatériques qui en font une contrée favorisée entre les régions de même latitude; il modère l’ardeur de nos étés, adoucit nos hivers, élève la température moyenne de l’année, et imprime au climat de l’Europe occidentale ce caractère tempéré humide et pluvieux, dont la Bretagne et l’Irlande offrent le type le plus accentué. On le désigne sous le nom de courant équatorial parce qu’il semble tirer son origine des couches élevées de l’atmosphère au-dessus des régions équinoxiales de l’Atlantique.

Ce courant, qui constitue un véritable système de chauffage de l’Europe par circulation d’air chaud et de vapeur d’eau, émanant de la « grande chaudière équatoriale, » se refroidit naturellement à mesure qu’il s’avance vers le nord, tout en s’infléchissant vers l’est, par suite de la combinaison de son mouvement propre avec le mouvement de rotation de la terre. Il condense sous forme de pluie ou de neige les vapeurs dont il est chargé et alimente les grands amas d’eau douce de la Suède, de la Finlande et du nord-ouest de la Russie. Que devient-il ensuite? Les bourrasques dont le cours de ce fleuve aérien est parsemé et qui nous le signalent sur nos cartes, comme des flotteurs signalent la direction d’un cours d’eau, nous le montrent redescendant vers le sud-est, puis vers le sud à travers l’Europe orientale. Dépouillé de la plus grande partie de son humidité, se desséchant à mesure qu’il atteint des latitudes plus basses, il devient ce courant d’air sec d’entre nord et nord-est qui constitue le trait fondamental de la météorologie de ces contrées. On a coutume de le désigner sous le nom de courant polaire, expression