Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 3.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

outre complètement cerné à partir du 18 au soir, après la bataille de Saint-Privat. Dès lors on ne savait plus rien ou presque rien. Les communications, interceptées par les voies régulières, devenaient rares et incertaines. Aux pressantes interrogations que le maréchal de Mac-Mahon adressait à Paris, le ministre de la guerre répondait le 20 par le renseignement le plus vague sur la position de Bazaine le soir du 18, — ce qui n’empêchait pas cependant le général de Palikao de raconter ce jour-là même au corps législatif l’histoire fabuleuse de « trois corps d’armée prussiens précipités dans les carrières de Jaumont ! » Non-seulement le maréchal Bazaine se montrait peu communicatif, mais les rares et sommaires informations qu’il transmettait étaient de nature à donner l’idée la plus inexacte de sa situation et à égarer ceux qui, placés loin de lui, avaient à prendre une résolution. Ainsi, sans parler des inquiétudes peu fondées qu’il exprimait sur ses approvisionnemens de munitions, Bazaine déguisait évidemment une partie de la vérité lorsqu’il écrivait le soir de Saint-Privat : « En ce moment, sept heures, le feu cesse, nos troupes sont constamment restées sur leurs positions… » Il n’était pas plus précis dans un rapport du lendemain où il décrivait les principaux résultats de la terrible affaire de la veille, et qui n’arrivait du reste que plusieurs jours après. Certainement rien dans ces dépêches ne pouvait donner l’idée d’une bataille qui avait fait plus de 30,000 victimes. Une seule chose apparaissait manifestement : Bazaine était cerné, il avait dans tous les cas, selon son propre aveu, besoin de quelques jours pour se refaire sous Metz, au risque de laisser le blocus se resserrer, les issues se fermer autour de lui, — et qu’on remarque bien dès ce moment ce qu’il y avait d’étrange, de peu réfléchi, à mettre ou à maintenir le maréchal de Mac-Mahon sous les ordres d’un chef investi ! Il en résultait que tout ce qu’on faisait, tout ce qu’on pouvait tenter à Châlons, restait à la merci de nouvelles incertaines ou tardives ou même détournées en chemin de leur destination. Entre Châlons et Metz, tout est donc de plus en plus vague et obscur lorsque tout devrait être concerté et précis.


II

Que se passe-t-il pendant ce temps au camp ennemi ? L’état-major prussien n’avait eu d’abord qu’une pensée : se porter à grandes marches sur la Moselle pour gagner la route de Verdun et atteindre au passage d’armée française de Metz, qu’il supposait disposée à la retraite. C’est à quoi il employait les forces considérables de Frédéric-Charles et de Steinmetz, Ire et IIe armées. Pour le moment, après avoir franchi les Vosges à la suite des divisions de Mac-Mahon, le