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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 3.djvu/297

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IMPRESSIONS
DE VOYAGE ET D'ART

VI.
SOUVENIRS DU FOREZ.[1]


I. — BOHN ET LE PAYSAGE DE L'ASTREE. — LES D’URFE.

L’Astrée a fait au Lignon une renommée poétique supérieure à celle qu’elle a conservée. Qui connaît en effet aujourd’hui l’Astrée, sauf quelques érudits ou quelques curieux, et qui ne connaît le Lignon ? Outre son existence réelle, cette petite rivière a conquis une existence d’imagination tellement nette et précise que, même chez les esprits ignorans, elle demeure indissolublement associée au tableau d’une vie pastorale raffinée et fabuleuse. Les bergers du Lignon ! qui n’a prononcé cent fois ces mots, et qui jamais s’est trompé sur le caractère qu’il devait y attacher, même quand il ignorait que ce cours d’eau a roulé le corps évanoui du beau Céladon ? Le Lignon a donc pour toujours pris place dans cette géographie poétique qui n’est jamais complète et qui s’augmente de siècle en siècle avec chaque grand écrivain ; mais il a eu encore une autre fortune, c’est que son existence réelle s’accorde à merveille avec son existence poétique, et ne fait éprouver aucune de ces déceptions que les voyageurs modernes se sont plaints souvent d’avoir éprouvées à la vue du Xanthe et du Simoïs au renom héroïque, ou de l’Ilyssus cher à Platon et à ses disciples. Je l’ai vu en

  1. Voyez la Revue du 1er avril.