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charmantes qui représentent les jeunes pousses de la vigne, à quoi font-elles allusion, sinon au miracle de révivification que le vin accomplit en nous, miracle que la théologie païenne exprima en faisant de Bacchus un symbole de résurrection ?

Nous avons dit comment le corps se purifie et s’entretient, voyons maintenant comment l’âme se blanchit et se nourrit. La chapelle est une glorification sous vingt formes différentes de la doctrine de la transsubstantiation formulée par le concile de Trente, et une glorification presque matérielle à force d’être précise, à force de vouloir démontrer, de faire toucher la réalité du mystère. On voit que Claude d’Urfé n’avait pas perdu son temps au concile, et qu’il avait suivi ses discussions en auditeur recueilli. Comme le corps se nourrit de la substance de la nature, l’âme se nourrit de la substance de Dieu, et c’est là ce que dit l’inscription latine quelque peu bizarre qui se déroule autour de la chapelle : Majorem hac dilectione nemo habet amoris enim impetus enascens dedit socium convesci îgitur o Christe gloria regnans in prœmium tibi hanc mensam hoc sacrificium viventes ac mortui ens in œdilium moriens in P., inscription qui doit se traduire probablement ainsi : « nul ne possède une volupté plus grande que celle-là, car l’élan de l’amour à sa naissance nous donna par elle un compagnon à absorber en nous ; c’est pourquoi, ô Christ régnant dans la gloire, les vivans et les morts t’ont consacré en offrande cette table et ce sacrifice, le vivant dans la chapelle, le mourant au sein de la paix. » Par cette nutrition de l’âme, il faut entendre non pas un symbole théologique exprimant les rapports du créateur et de la créature, mais une réalité qui, d’origine métaphysique comme l’âme même, a passé, comme elle aussi, dans la nature, un fait décrété à la naissance des choses par le premier mouvement de l’amour créateur, et qui a reçu son accomplissement dans le temps par le plus auguste des sacrifices dont le sacrement de l’eucharistie est non-seulement la commémoration pieuse, mais le renouvellement incessant. La décoration entière de cette chapelle, peintures, sculptures, marqueteries, raconte le développement de ce fait à travers le temps, comment il a été prédit et figuré par l’histoire de l’ancienne loi, et enfin institué par la divine victime elle-même. Au-dessus de l’autel, un superbe ouvrage en marqueterie représente la cène ; sur la face principale de la table de marbre de ce même autel, un charmant bas-relief représente le premier sacrifice de Noé après le déluge. A la voûte de la chapelle, voici la manne qui tombe en flocons épais sur les Israélites affamés ; à la voûte de l’oratoire, séparé de la chapelle par une boiserie sculptée, voici Moïse faisant jaillir l’eau du rocher, l’eau et la manne, double symbole des deux espèces du sacrement de l’eucharistie. Sur