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autre hérésie relative à la personne du Christ, un instant préconisé en Espagne au VIIIe siècle par Élipand de Tolède et Félix d’Urgel, n’avait pas survécu à ses auteurs. En un mot, du Xe au XIIe siècle l’orthodoxie romaine règne sans aucun partage dans tout l’Occident, et ce qui la fortifie encore, c’est que les grandes conquêtes faites par le christianisme au nord de l’Europe sont dirigées par des missionnaires partis de Rome, tout au moins très attachés au siège pontifical, portant avec eux le dogme, le culte et la discipline de Rome.

Cependant et malgré tout il se détache sur ce fond uniforme quelques faits isolés qui, bien que fort rares, donnent lieu de croire qu’il circulait encore dans les couches obscures des populations quelques ruisselets d’hétérodoxie. En 1022, on est tout étonné d’apprendre qu’un grand procès pour crime d’hérésie s’instruit à Orléans. Deux prêtres et onze de leurs partisans sont condamnés au supplice du feu. Et de quel genre d’erreurs sont-ils accusés ? De manichéisme ! Il y en avait donc encore au XIe siècle ! A présent on peut se demander jusqu’à quel point les juges qui les condamnèrent savaient très pertinemment ce que c’était que le manichéisme. D’autre part, pourquoi, parmi tant d’hérésies, avoir été choisir précisément celle-là ? Le plus probable reste toujours qu’il y avait au moins quelques analogies se prêtant à cette identification. Ce qu’il faut noter, c’est que l’un des deux prêtres condamnés avait été confesseur de la reine Constance, femme de Robert de France et fille