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LES
FILLES DE LOUIS XV
D'APRES DES DOCUMENS INEDITS ET DE NOUVELLES PUBLICATIONS.

Naguère encore ils étaient peu nombreux, ceux qui se souvenaient des filles de Louis XV. Mesdames Infante et Adélaïde exceptées, on ne savait plus que des noms. Les princesses reposaient dans une ombre discrète, sur de blanches couches virginales toutes pénétrées d’odeurs légères. On se rappelait vaguement l’étrange destinée de Victoire et d’Adélaïde, mortes à Trieste aux derniers jours du XVIIIe siècle, après avoir longtemps erré sur la terre, contemplé de loin la fin d’un monde, l’échafaud de Louis XVI et de Marie-Antoinette, les funérailles de la vieille France. La mémoire d’Henriette et de Sophie avait laissé dans quelques âmes comme une traînée lumineuse, et c’est dans cette douce et pure lumière que volontiers on évoquait le chœur funèbre des six sœurs. Unies dans la vie, elles avaient été réunies dans la mort : elles dormaient avec leur père et leur frère dans les caveaux de Saint-Denis. On avait oublié le dur réveil, l’ouverture sinistre des cercueils, sorte de jugement dernier de la révolution ; on se disait que ce n’était là peut-être qu’un mauvais rêve, puisque les cendres des princesses fugitives avaient été rapportées en France et rendues aux sépulcres des rois.

Elles semblaient donc dormir leur sommeil éternel, ces filles de la maison de France, et l’on aurait pu croire qu’on les laisserait en paix dans la poudre d’un autre âge du monde avec les sceptres vermoulus et les lis en poussière de leurs grands ancêtres. Il n’en a point été ainsi : les tombes des princesses ont été violées une seconde fois, leurs blancs linceuls déchirés, et, tandis que les uns