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corporations plus ou moins indépendantes de l’autorité ecclésiastique ordinaire, les couvens russes ont perdu le droit de nommer leurs supérieurs. Ils sont placés sous l’absolue domination du saint-synode ; sans l’autorisation synodale, on ne peut fonder un couvent ; sans elle, on ne peut admettre un novice à prononcer ses vœux. Jusqu’à la réforme actuelle, c’est le synode qui nommait à toutes les dignités monastiques. Les postes d’hégoumène ou d’archimandrite étaient devenus comme des grades et des degrés de la carrière ecclésiastique. Les monastères étaient souvent donnés à des évêques ou à des aspirans à l’épiscopat ; de là un ordre de choses qui n’était pas sans analogie avec les bénéfices et les commandes de l’ancienne France. La réforme projetée doit mettre fin à ce régime. En soumettant les monastères à une vie plus sévère, il est question d’y introduire une administration plus libérale : en appliquant à la plupart des couvens le régime de la communauté, on parle de restituer aux religieux l’élection de leurs supérieurs. Une telle mesure ferait honneur à l’église et au gouvernement, elle serait en harmonie avec les grandes réformes du règne d’Alexandre II. Comme toutes les classes de la nation, les moines y retrouveraient sous l’autorité publique une partie du self-government qui est l’âme des institutions monastiques. Reste à savoir si une telle innovation est assez en rapport avec la constitution actuelle de l’église et de l’état pour être sincèrement pratiquée et réellement profiter aux monastères et au clergé.

Les couvens russes sont officiellement divisés en deux catégories, les couvens ordinaires ou subventionnés et les couvens extraordinaires, qui ne touchent rien de l’état. Les premiers sont les plus considérables et les plus nombreux : la subvention qu’ils reçoivent du gouvernement est une indemnité pour les biens dont ils ont jadis été dépouillés. Dans ces monastères, la loi détermine le nombre des moines ; ils se partagent en trois classes, en dehors desquelles sont encore les plus illustres monastères de l’empire. Quatre ont reçu l’antique nom de laure : ce sont les trois grands sanctuaires des trois âges de la Russie, Petcherski de Kief, Troïtsa au nord de Moscou et Alexandre Nevski à Pétersbourg, enfin Potchaïef en Volhynie, le principal monastère des Grecs unis du Ruthènes. Au-dessous des Jaurès, qui d’ordinaire dépendent du métropolite voisin et lui servent de résidence, viennent sept ou huit maisons portant le titre de stavropigies : ce sont les seules dont les supérieurs doivent rester à la nomination du saint-synode. Après les stavropigies, qui comprennent les plus vastes monastères de la banlieue de Moscou, se placent les couvens de première classe, qui comptent encore de célèbres sanctuaires comme Saint-George de Novgorod. Le nombre des moines est généralement en rapport avec le rang du monastère. Dans les