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frais des cultes leurs adversaires comme leurs partisans. La modicité de ses ressources défend au pope d’en rien abandonner ; le voudrait-il qu’il ne le pourrait guère. Il a sa femme et ses enfans qui le poussent à ne rien omettre de ses droits, il a ses collègues ou ses confrères du clergé, le diacre et les clercs inférieurs, qui, vivant sur les mêmes gratifications, se trouveraient victimes de son désintéressement. Le casuel, qui fait la principale ressource du clergé, doit en effet être partagé entre les différens membres de la classe. Pour éviter les abus ou les querelles, il a fallu soumettre cette répartition à des règles officielles. D’après les ordonnances de 1869 et 1871, le prêtre a trois fois, le diacre deux fois plus que le chantre. Si dans les campagnes la part du premier est peu considérable, on conçoit ce que doit être celle du dernier.

Pour le mieux partagé, ces redevances seraient insuffisantes, si en dehors des sacremens et des cérémonies intérieures de l’église l’usage et la piété du peuple russe n’offraient au clergé d’autres sources de profits. En Russie, la religion tient encore une grande place dans la vie domestique, dans la famille, dans les affaires. Pour tout événement important, pour une fête ou un anniversaire, pour un retour ou pour un départ, lors d’un emménagement ou d’un voyage, au début ou à la conclusion de toute entreprise, le Russe demande la bénédiction de l’église et de ses ministres. Le clergé trouve là une de ses fonctions les plus fructueuses. On l’appelle dans les maisons pour chanter des Te Deum et bénir les fêtes de famille ; c’est pour lui une occasion de réjouissance et de bonne chère en même temps que de profit. Le pope n’attend pas toujours d’être invité. Il y a des époques, à Noël, à l’Epiphanie, à Pâques, où il est d’usage que le clergé aille bénir les demeures de ses paroissiens. Une coutume semblable existe encore à Rome et dans quelques pays catholiques. Dans la ville comme dans la campagne, le prêtre et le diacre en habits sacerdotaux, suivis des clercs inférieurs, s’en vont de maison en maison chanter un alléluia. Introduits dans une salle, ils se tournent vers les saintes images, qui selon l’usage oriental occupent un des angles de la pièce, ils récitent rapidement leurs prières, donnent aux assistans la croix à baiser et s’en vont recommencer ailleurs. Il est des maisons où on les fait parfois recevoir dans l’antichambre par des domestiques, et où, en leur remettant la gratification d’usage, on les dispense du chant des prières. Dans les campagnes, ces tournées périodiques donnent quelquefois lieu à des scènes bizarres ; on a vu des paysans fermer leurs cabanes et prendre la fuite à l’approche du pope, au risque d’être poursuivis et ramenés par les femmes et les enfans du clergé. Pour mettre fin à leurs exigences ou à leurs importunités, le synode