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les impôts qu’elle paie directement ou supporte indirectement ; on essaiera de démontrer qu’elle est surchargée ; n’a-t-on pas affirmé, chiffres en main, qu’elle fournit les 2/3, les 3/4 de nos ressources ? A cet égard, on peut le prévoir, l’entente ne se fera pas, — s’est-on jamais entendu dans les questions de chiffres ? — mais il est un autre terrain sur lequel l’accord sera moins difficile. L’impôt foncier, personne ne le conteste, est très inégalement réparti ; charge sur certains points insignifiante, il prélève tout à côté des tributs considérables. Le mal est signalé depuis longtemps ; combien ne serait-il pas vivement senti dans le cas où l’on demanderait à la terre de nouveaux sacrifices ! Plus la charge serait lourde, plus les inégalités de la répartition deviendraient choquantes. Le contribuable est par tempérament disposé à se croire maltraité ; ses instincts de justice, en même temps que son intérêt froissé, se révoltent contre un fardeau dont le poids est inégal. Il faut donc s’y attendre, toute proposition ayant pour objet l’augmentation de l’impôt foncier ramènera fatalement avec elle une question bien vieille, la révision du cadastre. Sans prétendre résoudre d’un trait de plume un problème devant lequel ont échoué tant d’efforts, il n’est pas sans intérêt d’en examiner les différens aspects et d’en méditer les données.


I

S’il est un impôt qui à première vue semble d’une répartition facile, c’est assurément l’impôt foncier. Vanté au début du siècle par d’illustres hommes d’état, il aurait, à les entendre, l’incomparable mérite de se proportionner aisément aux ressources du contribuable. Quoi de plus simple en apparence que de dresser un état général des immeubles, d’en faire connaître les revenus, d’établir un vaste inventaire présentant la description physique des propriétés et donnant au trésor les renseignemens les plus précis au point de vue des revenus territoriaux ? Cet inventaire, la France le possède : le cadastre, on le sait, est un registre descriptif des terres et des propriétés bâties. Trois élémens le composent : la description graphique du sol, la classification des propriétés, l’estimation des revenus. Chaque parcelle de terrain ayant, par son propriétaire ou le mode d’exploitation, une individualité propre a été arpentée, des plans ont été dressés. Le cadastre a divisé les terres par cultures : terres arables, prés, bois, vignes, etc. ; il a attribué à chacune un revenu fixe, invariable, et il embrasse toute la superficie du territoire.

A considérer ce travail dans son ensemble, sans en examiner de près les élémens, on ne saurait imaginer une base plus simple et plus équitable pour la répartition de l’impôt foncier ; que de plaintes.