atteinte à la propriété. « Une remarque essentielle en ce qui concerne l’impôt territorial, dit M. Passy, c’est qu’il finit par ne plus être constitué à titre véritablement onéreux pour ceux qui l’acquittent. Cet effet résulte des transmissions dont la terre est l’objet. Sur chaque fraction du sol pèse, par l’effet de l’impôt, une rente réservée à l’état : acheteurs et vendeurs le savent ; ils tiennent compte du fait dans leurs transactions, et les prix auxquels ils traitent entre eux se règlent uniquement en vue de la portion du revenu qui, l’impôt payé, reste nette, c’est-à-dire affranchie de toute charge ; aussi le temps arrive-t-il où nul n’a plus droit de se plaindre d’une redevance antérieure à son entrée en possession, et dont l’existence, connue de lui, a atténué proportionnellement le montant des sacrifices qu’il a eu à faire pour acquérir… C’est la fixité qu’il faut à l’impôt foncier plus qu’à tout autre ; jamais il n’est bon d’en modifier le chiffre général, ni surtout la répartition. Ce n’est pas que dans sa marche le temps ne finisse toujours par déranger les rapports primitivement établis entre les revenus tirés de chaque fraction du sol et la portion qui en revient à l’état. Des routes qui s’ouvrent, des foyers de population qui se forment,… rien dans ces faits inévitables n’autorise à changer la répartition des taxes. »
Impossible d’exposer en termes plus nets une doctrine plus absolue. Des économistes illustres, les Mac-Culloch, les Ricardo, les J.-B. Say, l’ont appuyée de toute l’autorité de leur talent, et n’ont rencontré qu’un petit nombre de contradicteurs. D’éminens financiers, comme M. de Villèle, M. le baron Louis, l’ont soutenue à plusieurs reprises devant nos assemblées délibérantes, et elle est encore acceptée sans restriction par beaucoup de publicistes. A les entendre, l’impôt foncier n’existe plus, pour ainsi dire, que virtuellement : il a disparu, ou du moins il s’est transformé.
Il est des argumens qu’on repousse par instinct, bien qu’il soit parfois assez difficile de les réfuter. Comment contester en effet que l’impôt soit un des élémens dont il est tenu compte dans toutes les transactions, comment ne pas reconnaître qu’il s’incorpore en quelque sorte à la matière imposable, qu’il en soit une charge inséparable, et cependant faut-il se laisser entraîner à conclure que les transactions font disparaître cette charge, qu’au bout d’un certain temps elle n’est plus sentie ? Un propriétaire, qu’il tienne sa terre d’un héritage ou qu’il l’ait acquise à deniers comptans, se laissera-t-il jamais persuader que l’impôt foncier ne tombe pas à sa charge, — que ce soit une rente dont le capital a été déduit du prix d’acquisition ? Admettra-t-il que le trésor puisse aujourd’hui sans injustice lui demander cinq ou six fois plus qu’au propriétaire voisin ? A cet égard, personne ne se laissera convaincre ; tous les argumens ne feront rien devant la réalité : le fait matériel du paiement