Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de persévérance et de ténacité, avaient un autre esprit, d’autres mœurs, un autre tempérament; leur caractère avait été façonné par les institutions aristocratiques fondées sur l’esclavage. Le volontaire fédéral au contraire, avec ses qualités et ses défauts, est l’héritier direct de ces continentaux, comme on les appelait, qui, difficiles à discipliner, mal organisés et presque toujours battus malgré leur courage personnel, finirent cependant par venir à bout des légions anglaises. Il a d’ailleurs d’autres titres à se dire leur héritier, car il peut rappeler que ce sont les états du nord, alors simples colonies, qui supportèrent presque tout l’effort de la guerre de l’indépendance, dont ils partagèrent le prix avec leurs associés du sud. Sur les 232,000 hommes que cette guerre vit passer sous le drapeau fédéral, le Massachusetts, toujours le plus patriotique et le plus belliqueux, en fournit à lui seul 68,000, le Connecticut, moins peuplé, 32,000, la Pensylvanie 26,000, New-York, presque entièrement occupé par les Anglais, 18,000, et en résumé les états qui furent fidèles à l’Union en 1861 avaient donné pour combattre l’Angleterre 175,000 hommes, c’est-à-dire plus des trois quarts du chiffre total. Parmi ceux qui s’attachèrent plus tard à la cause confédérée, la vaillante Virginie fut le seul qui offrit alors un contingent respectable, et la Caroline du sud, si hautaine depuis, ne put mettre sur pied que 6,000 hommes durant toute la guerre contre l’Angleterre. On le voit, les états qui ont défendu l’Union en 1861 sont ceux qui avaient fait le plus de sacrifices pour l’établir, et ceux qui ont levé contre elle l’étendard de la révolte sont ceux aussi qui avaient le moins de droits à s’en dire les fondateurs.

On ne peut donc s’étonner de trouver chez les premiers soldats qui portèrent au feu le drapeau étoilé les traits qui ont toujours caractérisé les volontaires fédéraux. Ces traits se révèlent dès le début de la lutte contre la métropole. A peine réunis, ils affrontèrent derrière le moindre obstacle le choc des vétérans anglais. Ils se défendirent avec une rare énergie à Bunkershill, comme plus tard, en 1815, les soldats improvisés de Jackson à la Nouvelle-Orléans, et, sur un plus grand théâtre, l’armée du Potomac à Gettysburg. Ils furent des travailleurs infatigables, la pioche et la hache à la main, aux sièges de Boston et de Yorktown, comme ces volontaires qui en quatre ans ont couvert l’Amérique de fortifications et de tranchées, mais aussi faciles à ébranler lorsqu’ils se sentaient ou se croyaient pris de flanc, comme à Brandywine, comme à Germantown, difficiles à conduire à l’assaut d’une forte position, et oublieux de ce principe qu’il y a moins de danger à courir sur l’ennemi qu’à recevoir son feu sans bouger. Ils perdaient alors rapidement leur organisation, et, chose plus rare, la retrouvaient non