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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/178

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les mers indiennes forment désormais un élément dont il faut tenir grand compte. Ce sont surtout des Chinois qui servent d’intermédiaires et de commissionnaires aux Européens établis dans la presqu’île de Malacca. Le commerce chinois trouvait des avantages tout spéciaux dans le régime de guerre intestine qui prédominait à Atchin. Il vendait des munitions, des armes, de la poudre, il se faisait donner en échange du poivre et d’autres denrées, il achetait la connivence des schahbandars et se procurait ainsi des monopoles et des privilèges de tout genre. Il prévoyait que tous ces trafics véreux allaient prendre fin à Atchin comme dans le reste de Sumatra, où la législation néerlandaise ne permettait plus que le commerce régulier et honnête. Les doléances chinoises réveillaient dans les straits settlements le vieux ferment d’antagonisme entre Anglais et Hollandais; les musulmans, très excités dans ces parages, faisaient chorus, et dans la société mélangée dont la presqu’île de Malacca est la résidence. Chinois et musulmans trouvaient sans difficulté des plumes complaisantes pour traduire à leur gré les nouvelles qui pouvaient nuire à l’établissement d’un ordre de choses régulier au nord de Sumatra.

Rien de tout cela ne peut diminuer la haute valeur de ce fait, que par la prise et l’occupation permanente du Kraton d’Atchin le gouvernement des Pays-Bas est désormais souverain de l’île de Sumatra tout entière. Complètement maître des côtes, associant à sa politique commerciale les populations riveraines, leur permettant de se vouer désormais à la culture paisible de leur sol si merveilleusement riche et à l’écoulement normal de leurs produits, ce gouvernement n’a plus rien de sérieux à. craindre de la résistance refoulée à l’intérieur; du moins il n’a plus besoin que de vigilance et de persévérance, deux qualités qui ne lui font pas défaut. Les populations de l’intérieur ne peuvent vivre en effet que moyennant le libre accès de la mer. Depuis que l’établissement des Hollandais dans les murs du Kraton est devenu un fait accompli, encore consolidé par l’insuccès de quelques retours offensifs des derniers Atchinois belligérans, on voit les états riverains, naguère vassaux d’Atchin, demander l’un après l’autre à se ranger sous le protectorat néerlandais. Le temps est désormais l’allié des Hollandais, qui ne s’engageront pas dans les montagnes et attendront tranquillement que l’expérience démontre aux Atchinois leur impuissance et la nécessité de se soumettre. La politique de la Hollande victorieuse à l’égard du pays conquis est fort simple. Partout où les rajahs et leurs sujets donnent des preuves sérieuses de leur intention de vivre sous son protectorat en se soumettant aux lois de la civilisation, leur indépendance intérieure sera respectée et leur sécurité protégée. Là au contraire où l’on persistera dans une attitude hostile, l’autorité