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déclarer impuissant à forcer les lignes ennemies, réduire du coup la première armée de la France à ce modeste rôle de pousser dans sa retraite un ennemi vaincu par d’autres, rejeté vers la frontière, c’était la marque d’une volonté bien indécise, bien peu préparée aux vigoureuses initiatives. Ce généralissime embarrassé de lui-même ne voyait pas qu’à un pareil moment chaque journée perdue pouvait être une chance de moins, que c’était à lui de donner le signal de l’action, non de l’attendre, qu’à ne rien faire il laissait échapper l’occasion de surprendre l’ennemi, diminué de deux corps d’armée qu’il envoyait précisément entre le 26 et le 29 vers Stenay. Tandis que Bazaine passait ces quelques jours dans une attente inutile, les événemens se pressaient cependant au dehors et venaient le sommer d’agir. Le 29 arrivait de Thionville une dépêche assurant que le général Ducrot, à la tête du 1er corps de l’armée de Mac-Mahon, devait se trouver sur la Meuse le 27, et ajoutant qu’il fallait « se tenir prêt à marcher au premier coup de canon. » Le 30, nouvelle dépêche de Mac-Mahon ou de l’empereur, — c’était celle qui avait été expédiée -le 22 de Reims, — annonçant la marche de l’armée de Châlons sur Montmédy. Que cette dépêche ne fût que la confirmation de l’avis reçu dès le 23 selon le colonel Lewal, qu’elle arrivât pour la première fois le 30 comme l’assure le maréchal Bazaine, il n’y avait plus à hésiter. Alors Bazaine se décidait tout simplement à reprendre pour le 30 d’abord, puis définitivement pour le 31 août son projet de sortie du 26. Les ordres étaient les mêmes ; les divers corps devaient revenir sur les positions qu’ils connaissaient ; il s’agissait toujours d’enlever Sainte-Barbe. Le programme n’avait pas changé, restait l’exécution.

C’était certes le cas ou jamais de tenter un coup décisif, de le préparer et de l’accomplir dans les meilleures conditions possibles. Puisqu’on avait l’idée singulière de reprendre l’attaque sur un point où l’ennemi, prévenu par la démonstration du 26, pouvait et devait avoir pris ses mesures, puisqu’on n’avait pas l’avantage de l’imprévu, il fallait au moins se donner l’avantage de la promptitude et de la sûreté d’action. Chose fatale, on retombait dans les mêmes négligences d’exécution, dans les mêmes encombremens de marches, pour aboutir nécessairement au même résultat, une lenteur désastreuse d’opération. Le 31 comme le 26, tandis que le 3e corps de Lebœuf était dès le matin vers la route de Sarrelouis, ayant toujours derrière lui le 2e corps, les divisions venant de la rive gauche n’arrivaient sur leurs positions, au-delà de Saint-Julien, qu’avec les plus grands retards, — le 4e corps de Ladmirault, à onze heures, le 6e corps de Canrobert à une heure, la garde après deux heures. Une fois sur leurs postes de combat, les troupes attendaient plusieurs heures encore sous les armes. Que résultait-il de