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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/397

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un phénomène semblable ne s’était accompli dans le monde financier. En Angleterre, pendant la suspension des paiemens de 1797 à 1819, on émit aussi des billets à cours forcé pour parer à l’insuffisance du numéraire. On en émit dans des limites restreintes, qui ne dépassèrent jamais 700 millions. Cependant les bank-notes tombèrent en 1810 à 25 pour 100 de perte, et ne purent jamais se relever au pair avant la reprise des paiemens.

Que s’est-il donc passé qui ait si profondément modifié le cours des choses ? La science financière va-t-elle nous apparaître sous un nouveau jour, et nous montrer qu’on a eu très grand tort de s’effrayer du papier-monnaie? Allons-nous apprendre qu’un progrès s’est fait dans les idées, et qu’on est tout près de réaliser enfin ce fameux chemin dans les airs dont ont parlé Smith et Ricardo, c’est-à-dire un papier de circulation sans base métallique?

Il y a toujours eu dans les divers pays et particulièrement dans le nôtre une école de gens qui se sont récriés contre la tyrannie du numéraire et qui lui ont attribué la plupart des crises financières et commerciales qui éclatent dans les sociétés. C’était l’opinion de Law en 1720 : elle n’a jamais été complètement abandonnée. Toutes les fois qu’il y a des embarras, on cherche à s’affranchir du numéraire et à lui substituer des équivalons qui ne coûteraient rien. On pense que, si on arrivait à résoudre ce problème, il n’y aurait plus de difficultés monétaires; les transactions pourraient toujours s’accomplir régulièrement sans être arrêtées par la rareté de l’instrument d’échange, on n’aurait qu’à proportionner celui-ci aux besoins, et tout serait dit. On ne serait plus obligé de recourir à ces élévations subites de taux de l’escompte et à d’autres mesures rigoureuses qui apportent le trouble dans l’activité commerciale, et sont autant de formes de cette tyrannie du numéraire. Tout le monde assurément ne va pas jusque-là et ne serait pas disposé à sacrifier la monnaie métallique; mais on voudrait au moins l’économiser le plus possible, d’abord parce qu’elle coûte cher et ensuite parce qu’il est plus ou moins difficile de s’en procurer à certains momens. Seulement dans quelle mesure peut-on l’économiser? et comment peut-on la remplacer? Là est le nouveau problème qui agite les esprits, et au sujet duquel on est plus incertain que jamais après ce qui vient d’avoir lieu en France. Qui aurait jamais osé prétendre en effet qu’au milieu des plus grandes calamités qui aient affligé une nation, avec une rançon énorme à payer à l’étranger, de grands désastres à réparer à l’intérieur, on pourrait garder une circulation fiduciaire quatre fois plus forte que l’encaisse métallique destinée à la garantir, qu’elle s’élèverait à 3 milliards et ne se déprécierait pas? Les plus téméraires disaient : Lorsque le billet de banque est émis dans des proportions limitées