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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/414

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c’était celle de la Banque d’Angleterre exclusivement. Or en France et dans les pays où il y a plus de billets au porteur et moins de dépôts, la réserve, pour répondre des uns et des autres, est toujours au minimum de 25 ou 30 pour 100. Dira-t-on que les dépôts sont moins susceptibles de varier en temps de crise? C’est une grosse erreur. Aux États-Unis, en 1857, ils ont baissé en quelques mois de plus de 50 pour 100; ils diminuent aussi très sensiblement en Angleterre lorsqu’il y a des embarras financiers. Seulement on n’en remarque pas les effets à la banque principale, et en voici la raison. Les établissemens financiers sont obligés, pour leur réputation, de conserver à la Banque d’Angleterre une certaine réserve; s’ils la diminuaient trop, leur crédit en souffrirait. Que font-ils dans les momens de crise? Ils demandent à la Banque de leur avancer, sous forme d’escompte, ce qu’ils seraient obligés de réaliser par le retrait des dépôts. Pour ne parler que de la dernière crise de 1866, la Banque d’Angleterre en une seule semaine, du 9 au 16 mai, avait augmenté son portefeuille de près de 200 millions. À cette condition, le chiffre des dépôts n’avait pas diminué, il s’était plutôt accru; mais le résultat était le même, la réserve était épuisée, et c’est cette réserve qui constitue la seule ressource disponible. Par conséquent il ne faut pas croire que le crédit qui s’appuie sur les dépôts soit plus solide que celui qui repose sur les billets au porteur; il l’est plutôt moins, parce qu’il peut créer de plus grands découverts : quand les crises éclatent, elles ont une violence extraordinaire, le moindre incident les fait naître.

En 1866, il a suffi de la faillite d’une seule maison de banque, celle d’Overend, Gurney et Cie, pour mettre tout le crédit de la Grande-Bretagne en péril ; la panique fut telle que le jour où elle se manifesta est resté dans le souvenir sous le nom de Black-Friday, c’est-à-dire du vendredi noir. Ce jour-là, il n’y avait plus de chèques en circulation, plus de confiance en personne, et si on n’avait pas accepté encore les billets au porteur, la vie commerciale en tant qu’elle a besoin du crédit se serait trouvée suspendue, et on n’aurait plus fait d’affaires qu’avec des espèces métalliques. Le billet au porteur est, dit-on, une anticipation sur l’avenir, l’escompte d’une espérance, cela est vrai ; mais si le commerce est dans de bonnes conditions l’espérance se réalisera certainement. Est-il donc défendu d’escompter l’avenir? Tous les jours on s’engage dans des opérations qui n’auront de résultat que plus tard. Les sociétés industrielles qui empruntent des capitaux pour construire des chemins de fer, l’usine qui se crée par l’émission d’actions ou obligations, ne font pas autre chose que d’engager l’avenir. Tout le travail des sociétés est fondé sur des espérances. On sème pour recueillir, autrement il n’y aurait