Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que dirai-je maintenant de cet autre langage, plus intime et plus général encore, qu’on a appelé l’expression? Le rire, les larmes, les cris, les sanglots, la pâleur, sont un langage vivant, qui fait partie intégrante de nous-mêmes. Les aphasiques chez qui il n’y a plus d’expression, qui semblent frappés de stupeur, et dont le masque immobile et froid ne reflète aucune émotion, aucune passion intérieure, ceux-là ne sont presque plus des hommes; c’est l’intelligence tout entière qui a disparu.


II.

Rien n’est plus compliqué que les faits physiologiques. C’est, en apparence du moins, un mélange d’incertitudes et de contradictions, qui ne peut être éclairé que par l’anatomie pathologique et l’organographie. L’aphasie est un exemple remarquable de cette vérité. Les observations disséminées dans les auteurs ne paraissent avoir aucun rapport entre elles. On ne peut s’expliquer quel lien les unit, et on ne comprend pas par quelle étrange anomalie la parole, l’écriture, l’intelligence, se trouvent tantôt conservées, tantôt abolies, sans qu’on puisse en découvrir le mécanisme. Nous allons cependant tâcher d’expliquer la plupart de ces phénomènes par la nature des lésions et la constitution même du système nerveux.

Le système nerveux est formé d’une partie centrale, l’encéphale et la moelle épinière, et d’une partie périphérique, les nerfs. Les nerfs sont de simples conducteurs, tandis que la partie centrale perçoit les sensations et ordonne le mouvement. Or, dans cette partie centrale, dans cet axe cérébro-spinal renfermé, comme dans une boîte, par le crâne et la colonne vertébrale, il y a deux élémens bien distincts : un élément actif et un élément conducteur. La substance blanche est la partie conductrice. La substance grise est la partie active. Cette substance grise forme une colonne étroite qui est le centre de la moelle épinière et qui va se continuer en s’élargissant jusque dans le cerveau. Toute cette colonne est entourée par de la substance blanche, et c’est à peu près ainsi qu’est disposé le système nerveux des vertébrés inférieurs; mais à mesure qu’on étudie des types plus parfaits, on voit un perfectionnement qui s’ajoute à cet appareil si simple : ce sont les circonvolutions cérébrales. La substance blanche du cerveau se replie en tout sens, et tout son pourtour se garnit pour ainsi dire d’une couche plus ou moins mince de substance grise qui se trouve mise en rapport avec la substance grise centrale par une couche épaisse de substance blanche. Il nous suffira d’ajouter pour terminer cette exposition élémentaire, aride sans doute, mais indispensable, que la colonne grise, encéphalique et médullaire, paraît constituée non par un cordon unique,