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Où étaient donc les circonstances nouvelles de nature à effacer des engagemens d’hier, à rallumer un si beau zèle et à laisser croire que ce qui n’a point été possible au mois d’octobre 1873 serait moins impossible aujourd’hui? M. le comte de Chambord a-t-il modifié ses opinions sur les points épineux, délicats, où sont venues se briser, il y a neuf mois, les meilleures volontés? Est-ce que le manifeste qu’il vient de donner pour commentaire ou pour programme à la proposition de restauration monarchique de M. le duc de Bisaccia n’est pas la reproduction fidèle et invariable des idées qui ont compromis le rétablissement de la royauté? Si M. le comte de Chambord a voulu en finir en mettant une fois de plus en lumière l’impossibilité de cette restauration de la royauté traditionnelle qu’on propose, il ne pouvait mieux faire. Il disparaît, enveloppé dans son drapeau, sans faiblir, sans céder, en homme captif du passé qu’il représente et des préjugés qui l’aveuglent. Son manifeste du 2 juillet est une nouvelle lettre du 27 octobre, avec cette aggravation qu’il ne s’agit plus seulement du drapeau cette fois. Au mois d’octobre 1873 du moins, les conditions premières et fondamentales de la monarchie constitutionnelle semblaient admises. Ce programme de la restauration, adopté en commun par les différens groupes royalistes de l’assemblée, résumait les garanties libérales les plus essentielles. C’était évidemment encore une illusion. La « monarchie française et chrétienne » qui nous est promise est un « pouvoir réparateur et fort, » — rien de mieux. Elle « peut seule nous donner des alliances sérieuses et durables, » — c’est possible, — à moins qu’elle ne nous conduise par le plus court chemin à de tristes conflits, où personne au monde ne nous porterait un secours, pas même un secours de sympathie. Elle comporte l’existence de deux chambres, l’une nommée par le souverain, l’autre élue par la nation, « selon le mode de suffrage réglé par la loi : » soit. Voilà le texte, voici le commentaire. M. le comte de Chambord veut « trouver dans les représentans de la nation des auxiliaires vigilans pour l’examen des questions soumises à leur contrôle. » Il ne « veut pas de luttes stériles de parlement, » il repousse avec hauteur « la formule d’importation étrangère, avec son roi qui règne et ne gouverne pas. » Il ne veut pas de ces « fictions » et de « ces mensonges » auxquels « l’immense majorité ne comprend rien, » et qui la fatiguent. Et maintenant M. le comte de Chambord peut dire : « Je suis prêt! »

On peut le remarquer, c’est, à tout prendre, le régime constitutionnel de l’empire que M. le duc de Bisaccia et ses amis préconisent lorsqu’ils proposent le rétablissement de la monarchie sous les auspices d’un tel manifeste. Des représentans « auxiliaires » pour le « contrôle, » point de « luttes stériles de parlement, » pas de « fictions » et de « mensonges!, » Quarante-cinq ans après la catastrophe sortie de l’ancien l’article 14 de la charte, on en est là et on nous promet aux