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descendant du célèbre protestant de ce nom, et rendit aussitôt de grands services.

Le dromadaire dépasse le cheval à la course, et peut faire jusqu’à 30 lieues tout d’une traite. Grâce à la vitesse de sa course, on put atteindre jusque dans le désert les tribus insoumises qui venaient piller le territoire occupé par nos troupes. En cas d’engagement, les soldats descendaient de dromadaire et se formaient en bataille. On avait choisi des soldats dans l’infanterie, de sorte que ce corps était, à un plus haut degré même que nos dragons, une arme mixte, tenant à la fois de l’infanterie et de la cavalerie. En réalité, c’était de l’infanterie en état de se transporter promptement à de grandes distances. C’est avec une colonne montée sur des dromadaires que le général Desaix poursuivit et atteignit Mourad-Bey. Plus tard, en Algérie, il fut question d’organiser d’une façon permanente un corps de dromadairerie, et le général Bugeaud en chargea le général Marey-Monge; c’était en 1843. La direction de ces essais fut confiée au commandant, plus tard général Carbuccia; mais, bien que ces essais aient eu des résultats favorables, — les généraux Oudinot et Yusuf en ont témoigné, — il ne fut pas donné suite à ce projet. Le général Carbuccia a écrit un livre fort instructif sur ces expériences et sur l’utilité qu’il y aurait à organiser d’une façon permanente un corps de dromadaires en Algérie[1]. En effet, chaque fois que nos troupes ont opéré dans le Sahara, on a fait suivre leurs colonnes d’un équipage de dromadaires, et récemment, il y a dix-huit mois, la brillante expédition du général de Galiffet à El-Goleah s’est faite entièrement à dos de dromadaire.

Nous ne nous dissimulons pas que le système que nous venons d’esquisser rencontrera chez bien des lecteurs la contradiction et le doute, et que, sans même discuter, on nous dira peut-être ce que le colonel Fitzmayer fit répondre à lord Raglan : Impossible ! Nous savons quelle suspicion rencontre dans notre pays toute idée qui semble nouvelle, et nous n’ignorons pas que le peuple le plus spirituel de la terre en est en même temps le plus routinier. Le général Garbuccia avait bien raison lorsqu’il mettait comme épigraphe à son livre cette phrase mélancolique : « le plus difficile n’est souvent pas de prouver une vérité,... c’est de la faire admettre; » mais la dernière guerre n’a-t-elle pas vu les pigeons, ces messagers des temps primitifs, faire le service de courriers militaires? Si, avant le mois de juillet 1870, on avait proposé d’établir

  1. Du Dromadaire comme bête de somme et comme animal de guerre, par le général J.-L. Garbuccia, 1 vol. in-8o ; Paris 1853.