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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/647

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vêpres. En un clin d’œil, les jeunes garçons se formèrent par groupes, quittèrent leurs vestes et commencèrent les uns une partie de paume, les autres le jeu de quilles. D’un autre côté, des bandes de jeunes filles, à la mine grave et modeste, s’en allèrent devisant le long des chemins. Nous nous arrêtâmes à voir la partie de paume, de pelota, amusement favori des Basques. Devant un mur assez élevé et crépi en jaune, douze ou quinze gaillards luttaient de vigueur pour se renvoyer la balle, et le vicaire de la paroisse, en dépit de sa soutane, conduisait un des camps. Manuel Sorrondo, dans son costume navarrais, regardait faire les joueurs et leur donnait des conseils. Dès qu’il nous aperçut, il vint à nous.

— Messieurs, dit-il en nous serrant la main, un Basque oublierait tout pour une partie de paume. Je devrais être chez moi à vous attendre, mais je vais vous conduire moi-même à Aguerria.

Nous le suivîmes dans un sentier qui montait entre des prairies et des landes couvertes d’ajoncs. Au détour du coteau, nous vîmes se dérouler à nos pieds la route de Saint-Jean-de-Luz et la Nivelle. Après avoir traversé un petit bois de vieux chênes, nous arrivâmes devant une maison blanche et coquette, bâtie à la mode du pays. Sur la façade régnait au premier étage une galerie en bois, peinte d’une couleur rouge foncé, où s’accrochaient de toutes parts les pampres verts d’une treille. Les montans de cette galerie supportaient le toit en saillie et formaient au rez-de-chaussée une sorte de portique. Contre un de ces rustiques piliers se tenait appuyé nonchalamment un jeune garçon blond et svelte, serré dans sa ceinture rouge.

— Bonsoir, Domingo, lui dit Edouard.

L’enfant ôta son béret bleu pour nous saluer et parla en basque à Sorrondo.

— Messieurs, nous dit notre hôte, en attendant que le souper soit prêt, voulez-vous visiter mon jardin? C’est l’ouvrage de mon neveu Domingo.

— Certainement, répondit Edouard. Allons admirer vos bipherrà. — Et il ajouta, me parlant à l’oreille : — Admire toujours le jardin d’un Basque.

Nous entrâmes dans un petit enclos fermé de haies vives qui touchait à la maison. Les bipherrà, c’est-à-dire d’énormes pimens, s’y étalaient entre les grandes mauves éclatantes où butinaient des abeilles et les grenadiers chargés de fruits à demi empourprés. Edouard me fit observer les lauriers plantés çà et là pour écarter la foudre, suivant la croyance du pays, et, dans la haie d’aubépine qui fermait l’enclos, de belles tiges de néfliers déjà marquées de ces incisions symétriques dont les Basques aiment à orner leur makila. Je fis beaucoup de complimens au jardinier de ce potager pittoresque,