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est juste de dire qu’Amédée Thierry a donné l’exemple à la fois et le signal, cet empire a obtenu de nos jours le regain de quelque popularité. Il est certain qu’il a servi la cause de la civilisation en arrêtant pendant une longue série de siècles la barbarie asiatique ; il a puissamment aidé à la propagation du christianisme, surtout il a ouvert aux institutions romaines, politiques ou civiles, un refuge qui leur a permis de subsister après la ruine de l’empire occidental, et de porter, au profit de l’Occident même, de derniers fruits. Il en est arrivé de même pour beaucoup de traditions antiques dans le triple domaine des lettres, des sciences et des arts. Au moment où l’invasion barbare et le désordre général menaçaient de les détruire en Occident, elles ont été recueillies par l’empire d’Orient, qui, plus tard, après des siècles d’engourdissement et de torpeur, les a transmises fécondes encore au génie moderne de la renaissance. À ces utiles services de l’époque byzantine a préludé pendant le IVe siècle une sorte de réveil de l’esprit grec, qui a enfanté l’hellénisme de Julien et l’enseignement des rhéteurs dans les écoles de Syrie, de Grèce ou d’Egypte. Ce réveil n’avait-il pas, en dernier résultat et malgré ses efforts contraires, préparé les voies à la prédication du christianisme? Ce qui est sûr, c’est que la religion nouvelle se répandit bien plus vite en Orient qu’en Occident ; mais elle y contracta des habitudes de subtilité funeste, et y décida le mouvement irrémédiable et définitif de la décadence du monde grec. Jusqu’à ce que de grands empereurs comme Justinien l’arrêtent sur cette pente, quel affaissement moral que celui de cette société! Comme le petit esprit, selon l’expression de Montesquieu, se nourrissant d’oiseuses discussions, de querelles théologiques, y raréfie l’air jusqu’à le rendre à peine respirable! Pour quelques mâles velléités des empereurs ou de ceux qui les entourent, que de passions à la fois violentes et mesquines, que de caractères avilis, que de criminelles ambitions, sans énergie que pour d’obscurs complots, et sans nulle grandeur !

Théodose, en mourant, partage l’empire entre ses deux fils. Honorius, l’aîné, régnera en Occident, sous la régence du généreux Stilicon, ou, pour mieux dire, sous celle de l’ambitieuse Sérène, femme du chef barbare. Déjà Théodose, de son lit de mort, a dû consentir à fiancer son fils à la fille de Sérène, qui est sa nièce; mais ce n’est pas assez pour l’ambition de celle-ci : elle veut élever plus près encore vers l’espoir de la succession impériale le régent son mari, et tout bas on murmure qu’elle a ménagé pour lui la vacance éventuelle du trône en faisant boire à son gendre un philtre qui le condamne à la stérilité. En attendant, elle veut que son mari puisse joindre à la régence d’Occident la tutelle de l’empereur d’Orient, et c’est dans Constantinople le signal d’intrigues semblables à celles