Les dernières semaines de cette session, qu’on appelle laborieuse par un complaisant euphémisme, auront été dépensées en agitations monotones, en débats stériles, en petites évolutions ministérielles, pour arriver à quoi ? Tout finit par un congé, par la victoire de la « grande politique des vacances. » Dès qu’on avait retrouvé la majorité pour repousser la motion de M. Casimir Perier et la dissolution, il est clair qu’il ne fallait pas la compromettre en se laissant entraîner dans la discussion des lois constitutionnelles proposées par la commission des trente, réclamées par M. le président de la république. C’est le jeune M. de Castellane qui, avec la sagesse de l’homme d’état, avec le coup d’œil du tacticien, a tranché le nœud en se faisant le leader de la villégiature ; il s’est jeté sur la brèche pour conquérir un congé avec l’ajournement des lois constitutionnelles, et le brave général Changarnier a aussitôt emboîté le pas, récitant une bucolique en vers latins sur les douceurs du repos, sur le charme des bords ombragés des rivières de Bourgogne. L’assemblée électrisée n’a pas pu résister à la charge audacieuse du jeune grenadier de la majorité et du vieux soldat parlant latin. Elle a cédé sans peine, sans effort, elle s’est empressée de voter l’urgence pour le repos ; il y a même un représentant de la majorité qui ne trouvait rien de mieux que de s’ajourner jusqu’à l’année prochaine, jusqu’au commencement de 1875, et c’est ainsi qu’une campagne engagée pour donner des institutions nécessaires à la France se termine en donnant des vacances à nos députés. Ce n’est point assurément que le repos soit un mal et que tout soit perdu parce que Versailles va redevenir solitaire pendant quelques mois. Il y a seulement une chose qu’on ne paraît pas avoir comprise, c’est qu’en fin de compte, avec toutes ces tactiques, avec ces combinaisons évasives, dont la France est depuis quelques jours la spectatrice étonnée, on ne fait réellement ni les affaires de l’assemblée, ni les affaires du gouvernement, ni surtout les affaires du pays, réduit plus que jamais à se demander où il en est.
Que peuvent gagner en effet l’assemblée, le gouvernement, le pays, à cette succession de crises intimes, de péripéties obscures, où toutes les forces s’épuisent, où les partis n’arrivent qu’à s’équilibrer, à se neutraliser dans la confusion ? Évidemment ce qui vient de se passer depuis quelques jours n’est ni brillant ni rassurant, et l’assemblée n’a pas vu qu’en se refusant à tout elle se compromettait elle-même, que c’était dans tous les cas une étrange victoire de se dérober par une retraite de circonstance à la nécessité d’une résolution décisive, au risque d’avoir l’air d’une souveraineté dans l’embarras, qui ne sait ni vivre ni mourir, qui ne reste une souveraineté qu’à la condition de ne rien faire. Que l’assemblée, poussée dans ses derniers retranchemens, se soit raidie contre l’extrémité d’une dissolution immédiate, soit, on ne peut guère s’en étonner, c’était prévu d’avance. Il est bien certain qu’à l’heure où nous sommes une dissolution ressemblerait singulièrement à