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nom, que voulurent prendre aussi les chanoines de la collégiale. Un siècle plus tard, Fourvières reçut les visites fréquentes d’un homme qui ne le cédait pas en énergie à ce premier hôte, Innocent IV, errant aussi dans l’exil devant les armes victorieuses de Frédéric II, et venu à Lyon pour présider le concile qui porta le coup de mort à la maison de Souabe. Cependant, de tous ces visiteurs puissans, celui dont le passage fut le plus profitable à Fourvières, ce fut Louis XI, dont la dévotion à Notre-Dame est bien connue. « C’est dommage que si belle dame loge en si humble maison, » dit-il par un de ces mots équivoques dont il a si bien gardé le secret qu’on ne sait aujourd’hui encore si l’on doit y voir hypocrisie ou sincérité, et sur ce mot il donna du coup à Notre-Dame la suzeraineté de vingt-cinq villages. Lorsque arrivèrent les guerres de religion, Fourvières fut naturellement un des points de mire les plus visés par les huguenots de ces régions : le sanctuaire fut saccagé; mais, populaire comme il l’était, il se releva promptement de ses ruines, et peu de temps après Henri III put y exécuter en habit de pénitent une de ces mascarades pieuses qu’il aimait tant à faire alterner avec d’autres mascarades renouvelées des Métamorphoses d’Ovide, rendant ainsi, par une application adroite et effrontée du mot de Jésus au pharisien, à la tradition et à la renaissance ce qui appartenait à l’une de christianisme et à l’autre de paganisme. Anne d’Autriche y est venue demander la cessation de sa stérilité, vœu glorieusement exaucé plus tard par la naissance de Louis XIV, un des miracles de Notre-Dame qui ait été le plus heureux pour la France, et presque dans le même temps Louis XIII y demanda la guérison d’une maladie grave qui l’avait retenu à Lyon au retour de son expédition en Savoie. Vint enfin la révolution française, mais l’église de Fourvières lui échappa encore mieux qu’elle n’avait échappé aux guerres religieuses : il se trouva une âme pieuse pour l’acquérir à peu de frais en la payant en assignats d’une somme assez ronde, ce qui put s’appeler payer la république de sa propre monnaie ; on attendit ainsi le retour de l’ordre, et, lorsqu’il eut reparu avec le consulat, le cardinal Fesch, oncle de Bonaparte et archevêque de Lyon, l’acheta en monnaie de bon aloi et la rendit au culte. Justement alors le pape Pie VII, qui venait de tant faire pour réconcilier la France avec elle-même en acceptant le concordat, s’en retournait en Italie après le sacre de Napoléon; il s’arrêta à Lyon, et consacra le sanctuaire, qui fut ainsi rouvert avec une solennité et un éclat qu’on n’aurait guère pu prévoir dans les années précédentes. L’histoire de Fourvières se termine réellement avec la visite de ce pontife, qui jusqu’à la fin de ses jours conserva pour Lyon une affection toute particulière dont nous irons tout à l’heure admirer une des marques,