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D’après Basnage, à l’époque de la paix de Munster, la dette de la seule province de Hollande montait à 140 millions de florins, somme énorme pour le temps, et qui dépassait les ressources de plus d’un grand royaume. A la fin du XVIIIe siècle, la dette de la république s’élevait à 800 millions de florins, elle était donc plus considérable que celle des autres états, et plus grande que celle qui semblait trop lourde pour la France. « À cette époque, en Hollande, dit Temple, les intérêts de la dette sont payés avec tant de régularité que ceux qui sont remboursés en pleurent de regret. » Les villes levaient aussi des taxes locales, directes et indirectes, qui n’étaient pas inférieures au tiers des impôts généraux. Aujourd’hui en Amérique les impôts, surtout ceux perçus par les communes, sont plus élevés que partout ailleurs. Il ne faut donc pas s’imaginer que la république soit nécessairement un gouvernement à bon marché; seulement l’argent est employé pour les besoins de la nation et conformément à la volonté du peuple, qui ainsi le paie sans se plaindre. La liberté avait d’ailleurs apporté aux Pays-Bas une si prodigieuse prospérité qu’ils supportaient des charges qui eussent accablé alors tout autre pays.


II.

Parmi les institutions des Provinces-Unies, il en est une dont le rôle a été bien plus grand que les prérogatives, c’est le stathoudérat. Le stathouder n’était qu’un fonctionnaire provincial; mais en fait le mérite extraordinaire et héréditaire des princes qui ont été investis de cette fonction leur avait donné l’autorité d’un président de république et parfois presque celle d’un souverain. Le stathouder était simplement le gouverneur d’une province, le représentant du souverain. Le Taciturne avait été nommé stathouder de Hollande et de Zélande par le roi d’Espagne, et quand Maurice, sur la proposition d’Olden Barneveld, reçut le même titre des états de ces provinces en 1585, « l’instruction » qui régla ses fonctions ne fit que reproduire les dispositions anciennes. Il devait veiller au maintien des privilèges et à la sécurité de la province, défendre les intérêts de la religion réformée ; ayant été dans l’origine président des cours de justice provinciales, le stathouder avait conservé le droit d’y siéger, et il devait faire exécuter leurs arrêts; il nommait et les magistrats des villes, mais ceux-ci sur une liste de présentation, et certains fonctionnaires provinciaux, il exerçait enfin le droit de grâce sur l’avis des magistrats locaux, excepté pour la peine capitale. Ces prérogatives étaient, on le voit, très restreintes; cependant il était aussi capitaine-général et amiral de la province, et, comme en outre les princes d’Orange ont été tous successivement, sauf Maurice, nommés