et tient obstinément le travers. Tout irait bien en somme, si le soleil et les étoiles consentaient seulement à se montrer ; mais par malheur le ciel reste obstinément voilé. On s’imagine courir vers l’entrée de l’Adriatique, on tombe à l’improviste sur la côte de Malte. La hourque d’Alexandrie avait eu raison de la tempête ; son capitaine la conduit au naufrage par une erreur de route.
Pendant plus de mille ans, la navigation dans la Méditerranée resta stationnaire. Vers le milieu du XIIe siècle, un changement notable se produit : les marins d’Amalfi, de Gênes, de Venise, de Mayorque, ont trouvé le moyen de s’orienter sans le secours des astres. Connue des Chinois dès l’antiquité la plus haute, l’aiguille aimantée vient d’arriver jusqu’aux républiques italiennes par l’intermédiaire des Arabes. Qui n’a entendu parler aujourd’hui de la propriété merveilleuse qu’une pierre, en apparence inerte, peut communiquer au barreau d’acier sur lequel on la promène ? Ce fut d’abord une aiguille qu’on imprégna ainsi de l’affinité mystérieuse, du « véhément désir » de se tourner vers le nord. Placée dans un vase, cette aiguille flottait librement sur l’eau, soutenue par un fétu. L’aiguille se transforma bientôt en une lame aplatie ; on la fit alors reposer par son centre sur un pivot, on l’enferma dans une boîte recouverte d’une glace et on la chargea d’entraîner le cercle gradué qui ne devait plus seulement indiquer la direction du pôle, mais le cap du navire, — en d’autres termes, l’angle formé par la route suivie et par le méridien magnétique. « La calamité » de Panurge changea dès lors de nom, elle devint « la boussole ; » les marias d’aujourd’hui la nomment « le compas. »
Il faut voir sur quel ton les navigateurs en possession de cette invention féconde le prirent dès le début avec les routiniers qui continuaient à en négliger l’usage ! « Que me fait, disait en 1433 le célèbre prince Henri de Portugal à ses capitaines hésitans, l’opinion des pilotes flamands dont les scrupules vous arrêtent ! Est-ce que ces marins du nord savent se servir de l’aiguille aimantée et des cartes marines ? » Le secret des navigations lointaines ne paraît pas cependant dater uniquement de l’apparition de la calamité. Les Dieppois devancèrent, assure-t-on, les Portugais sur la côte d’Afrique ; les Scandinaves, dans l’opinion de plus d’un savant, les auraient précédés aux Açores. Quant aux cartes marines, c’est sur des navires majorquins qu’on les rencontre pour la première fois vers le milieu du XIIe siècle. En 1359, le roi d’Aragon voulait qu’on en munît chacune de ses galères. Nous est-il permis de prendre au sérieux ces informes croquis dont nos bibliothèques nous ont gardé plus d’un spécimen ? Ce serait bien mal comprendre les difficultés que la cartographie avait à résoudre. Le moyen âge, pour tout ce qui concernait