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temps que les begs de Sheri-Sebz et de Karchi, l’héritier présomptif prenait les armes contre son père. Comme il ne convenait pas aux Russes que le khanat fût la proie de nouvelles révolutions, le général von Kauffmann envoya ses troupes au secours du monarque légitime. C’était du reste une occasion pour lui de montrer le drapeau du tsar aux populations méridionales de la Bokharie. Lorsque la paix se rétablit, Mozaffer-Eddin était l’obligé de l’empereur Alexandre, son vassal plutôt, de même que le souverain de Khokand.


III.

Des trois états ousbegs, Khiva seul conservait son indépendance. Il ne restait plus à soumettre que ce khanat et les steppes turcomanes pour que la Caspienne et l’Aral fussent des lacs russes. Le commerce de l’Asie centrale, devenu plus actif depuis que les Européens avaient accès dans les vallées du Yaxartes et du Zerefchan, se plaignait des longs détours que l’hostilité des Khiviens l’obligeait de faire. Les caravanes venant de Tachkend et du fort Vernoë ne pouvaient en effet entrer en Russie que par Orenbourg ou plus au nord encore par les routes détournées de Petropaulosk ou de Semipolatinsk. Déjà le tsar avait une flotte sur la Caspienne. Astrakan et Gourief au nord, Bakou sur la côte de Géorgie, en étaient les principaux ports. Sur la côte sud-orientale, à défaut d’un établissement de terre ferme, que le shah de Perse, possesseur du territoire, n’eût pas autorisé, les Russes avaient une station navale dans l’île d’Achourada, d’où ils exerçaient une surveillance rigoureuse sur les pirates turcomans. En pleine mer, les navigateurs n’avaient rien à craindre de ces sauvages ; mais tout navire marchand qui s’approchait du rivage s’exposait à leurs attaques ; les cargaisons étaient pillées, les matelots emmenés à l’intérieur des terres et vendus comme esclaves sur les marchés de Khiva. Usant de leur force dans un intérêt d’humanité qui n’a rien que de louable, les Russes s’arrogeaient un droit de visite sur toutes les barques turcomanes afin de s’assurer qu’elles ne transportaient ni prisonniers, ni munitions, ni contrebande de guerre. Ils possédaient encore au nord, dans la péninsule de Mangichlack, le fort Alexandrofsk, qu’ils n’avaient guère cessé d’occuper depuis le temps de Bekovitch ; mais la garnison était en butte aux attaques continuelles des Kirghiz, sans compter que le pays d’alentour est si stérile que l’on n’en pouvait rien retirer. Les tribus mêmes de l’Oust-Ourt, qui reconnaissaient la suprématie du tsar, demeuraient turbulentes parce qu’elles se sentaient soutenues, encouragées par le khan de Khiva. En 1869, le gouverneur-général d’Orenbourg obtint la permission