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Necker en outre obtint du roi une partie au moins de la réforme que celui-ci avait refusée à Turgot ; il put supprimer un certain nombre de croupes et de pensions qui absorbaient presque les bénéfices des fermiers-généraux. Dans les baux antérieurs, ces croupes formaient, y compris celles du roi, plus de quatorze places, prélevant annuellement une somme de 2 millions. Il faut lire dans le Compte-Rendu de Necker, dont l’effet fut si grand, les abus qui en étaient la conséquence. « Les mélanges d’état par alliances, disait-il, l’accroissement du luxe, le prix qu’il oblige à mettre à la fortune, enfin l’habitude, ce grand maître en toutes choses, avaient fait des grâces qui peuvent émaner du trône la ressource générale ; acquisitions de charges, projets de mariage et d’éducation, pertes imprévues, espérances avortées, tous ces événemens étaient devenus une occasion de recourir à la munificence du souverain. Comme la voie des pensions, quoique poussée à l’extrême, ne pouvait satisfaire les prétentions, on avait imaginé d’autres tournures, les intérêts dans les fermes, dans les régies… »

Il faut ajouter que la réforme partielle de ces abus vint moins d’exécutions particulières que de la forme même imposée, dans le nouveau bail, au régime de la compagnie. En traitant avec les fermiers, le ministre avait fixé un prix qui ne les exposait pour ainsi dire à aucun risque ; aussi ne les admettait-il au partage des profits qu’après les 3 premiers millions. « Par cette forme, disait-il, j’ai épargné à votre majesté tout ce que les particuliers peuvent demander au souverain quand il exige d’eux qu’ils répondent sur leur fortune d’événemens hors de leur atteinte et de leur influence. » En effet, dans les termes du contrat remanié, la ferme-générale allait se rapprocher, autant que le permettait le régime de l’affermage, de l’administration directe des impôts, telle qu’on la pratique aujourd’hui. Le traitement et les bénéfices, devenus moins aléatoires, étaient par cela même considérablement réduits. Les titulaires maintenus reçurent pour les 1,200,000 livres de fonds d’avances fournis par chacun d’eux un intérêt de 5 pour 100, plus 2 pour 100 de dividende, ce qui portait l’intérêt à 7 pour 100. D’un autre côté, il leur était fait remise d’un droit d’amortissement du dixième établi par l’arrêt de 1764. Leurs émolumens fixes s’élevaient à 30,000 livres, et 2,000 livres par place leur étaient attribuées à titre d’étrennes ou de frais de régie. Quant au ministre, il se montra désintéressé jusqu’à l’affectation, et se plut à récapituler lui-même tout ce qu’il avait abandonné. Indépendamment de 200,000 livres de traitement, des frais d’installation, des pensions attachées à cette place, des droits de contrôle annuel et du pot-de-vin fixe à l’époque du renouvellement du bail des fermes, le con-