Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à marée basse. L’île de Zanzibar est la résidence d’un souverain qui détient également les villages échelonnés sur la terre ferme, où il a installé ses douanes. Du reste son autorité réelle ne s’exerce en Afrique que sur une zone de 2 à 3 lieues de large environ, sur des terrains dont les cultures peuvent approvisionner les villages, tandis que l’excédant est facilement transportable au bord de la mer. Les îles sont merveilleuses de fécondité, la terre qui leur fait face n’offre pas moins de ressources ; mais, les communications n’existant que par mer, les îles ont pris de tout temps plus de développement. La ville de Zanzibar contient une population évaluée à 60,000 habitans ; l’île entière en compterait 100,000. Dans ce nombre, les Européens, résidens étrangers, missions catholique et protestante, chefs de maisons de commerce, employés, figureraient pour 150, les Indiens pour 3,000, les Arabes pour 4,000 ou 5,000 ; les autres sont des noirs libérés ou des esclaves. L’islamisme est la religion dominante.

En dehors des états de Zanzibar, le père du sultan actuel avait la souveraineté de Mascate. Les Arabes viennent de Mascate, et si l’on s’étonne de voir une colonie arabe si éloignée de son point de départ que par les temps les plus favorables on doive passer trois semaines pour aller d’un lieu à l’autre, l’examen de la carte expliquera cette apparente anomalie. En se rendant de Mascate à Zanzibar, on longe d’abord la côte d’Arabie, puis la côte d’Afrique, et on ne perd la terre de vue qu’en traversant le golfe d’Aden. Ce n’est point non plus sans grandes invocations qu’on affronte le passage ; d’ailleurs sur toute la côte des abris connus s’offrent aux barques ; ces abris sont insuffisans en beaucoup de cas, d’accès difficile par grosse mer ; néanmoins le marin arabe se dirige toujours sur terre au risque de briser sa barque sur les récifs, et la plupart du temps il se sauve lui-même. L’imprévoyance et l’insouciance sont extraordinaires. Ces barques ne portent le plus souvent qu’une énorme voile analogue à celle des jonques chinoises ou des barques du Nil. Leur forme même diffère peu ; c’est à coup sûr le bateau primitif. Cette voile est d’une manœuvre difficile ; sur un bateau de 30 tonneaux, la voile exige au moins 15 hommes pour être hissée en temps ordinaire. La paresse s’accommode d’une manœuvre unique ; mais, sans être marin, on voit le danger d’avoir au vent une telle surface de toile et la difficulté de l’amener ou de changer l’orientation par une forte brise. On chavire fort souvent. Toutefois, en raison même de l’uniformité de direction, des chances de secours restent encore. Ces moyens primitifs exposeraient les navigateurs aux risques les plus graves, si des vents régnans, — les moussons, qui se partagent l’année, — ne venaient donner la direction. À la mousson du nord-est, qui commence vers la fin de décembre, les Mascatais arrivent à Zanzibar et vont jusqu’au