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largement comprise apporte des entraves à l’action de la justice, un examen entre gens compétens n’offre pas de semblables inconvéniens. Ce qui caractérise surtout l’enquête, c’est la présence constante de ceux qui doivent y être entendus, et qui, de même que le chairman ou président, posent des questions et mettent en cause tel ou tel dont le témoignage porte plus utilement sur un point discuté. Dans une assemblée aussi pratique, on ne pouvait manquer de remarquer d’une part que les pays où la traite s’exerce, principalement sur la côte d’Afrique, sont d’une fertilité merveilleuse, et de l’autre que, partout où les richesses naturelles alimentaient le commerce, la traite disparaissait.

On touchait au nœud de la question. Il s’agit en effet de remplacer un commerce par un autre. Pour les articles d’importation dont une civilisation relative lui a fait connaître le besoin, tissus de coton, poudre, plomb, etc., l’indigène riverain donne en échange ses riz et son douro ; il cultive et ne fait pas la traite. À vingt lieues de la côte, il peut encore produire les sésames, dont la valeur est assez élevée pour supporter les frais de transport ; mais c’est la dernière limite : l’acheteur ne va pas plus loin ; pas de demande de produits, partant pas de culture. Que devient le commerce ? Dans les contrées où les éléphans sont en abondance, c’est avec l’ivoire que l’on paiera les marchandises. Dans ces contrées même, la chasse étant aléatoire, la traite subsistera ; partout ailleurs elle se fera exclusivement. L’expérience ne laisse aucun doute à cet égard. Sur la route fréquentée par les caravanes, il se crée des centres où l’on vend des esclaves sans doute, mais non pas appartenant à la localité ni aux localités avoisinantes, parce que dans ces villages chacun, en vendant aux caravanes ses produits, obtient en retour ce qui lui est nécessaire. Les esclaves sont amenés de points éloignés. Le commerce, la culture, l’établissement de communications, supprimeront la traite dans les pays qui fournissent la marchandise noire, puisqu’il est impossible d’y remédier, ainsi qu’on a fait à la côte occidentale en lui fermant ses débouchés. L’abolition de l’esclavage comporte la conquête commerciale de l’Afrique, entreprise digne du génie anglais et qui est plus avancée qu’on ne se le figure. L’Afrique occidentale n’a plus de marchés ; on s’attaque au nord. Les Baker vont aux lacs par l’Egypte ; on a frayé la route aboutissant à ces mêmes lacs par Zanzibar. Le docteur Livingstone, que la mort est venue si malheureusement surprendre, consacrait glorieusement sa vie à l’étude des questions de cette nature. Partout la persévérance porte ses fruits ; partout on gagne sur la barbarie. Du Cap on remonte à Mozambique, de l’Egypte on descend jusqu’à l’équateur, on surveille d’Aden et de Zanzibar les tribus indomptées du nord-est, Massaî, Gallas, Somalis ; vienne enfin une de ces découvertes comme la terre