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1675, trois ans après l’Observatoire de Paris. C’est sur une colline qui domine la Tamise et le passage des vaisseaux que Charles II fit élever l’édifice d’où ses astronomes devaient, par l’étude des mouvemens du ciel, diriger les courses lointaines des navires à la surface des mers. L’intérêt de la marine fut en effet le mobile principal qui détermina la fondation de cet établissement. L’ordonnance du 4 mai 1673 porte que « l’astronome royal devra s’appliquer à rectifier les tables des corps célestes et les positions des étoiles fixes, afin de donner les moyens de trouver la longitude en mer. » Indiquer d’une manière précise les positions des étoiles, prédire avec certitude la marche de la lune par rapport à ces repères fixes, voilà la grosse part réservée à l’astronome sédentaire dans le perfectionnement progressif de l’art de la navigation. Le ciel est pour ainsi dire un cadran tournant où la lune, en cheminant d’étoile en étoile, marque au navigateur l’heure absolue, l’heure de Greenwich, tandis que la hauteur du soleil au-dessus de l’horizon lui fournit l’heure du lieu où il se trouve, et c’est par la comparaison qu’il connaît sa longitude, c’est-à-dire le méridien sous lequel il passe. L’observation régulière et suivie des étoiles fixes, du soleil, de la lune, fut donc de tradition dans cet illustre établissement de Greenwich, où se sont succédé comme directeurs des astronomes tels que Flamsteed, Halley, Bradley, Maskelyne, Pond, et George-Biddell Airy, qui le dirige depuis 1835. C’est là qu’ont été posés les premiers fondemens de l’astronomie moderne, c’est-à-dire de l’astronomie de précision. Loin de chercher une gloire facile dans les découvertes plus brillantes que réellement importantes qui frappent l’esprit de la foule, les astronomes de Greenwich se sont invariablement appliqués à l’investigation laborieuse de ces minuties sur lesquelles repose l’édifice de la science, et où se révèle souvent la trace des grandes lois inconnues.

Flamsteed, le premier directeur, avait fait toutes ses observations à l’aide d’un sextant et d’un arc mural qui étaient sa propriété privée ; l’impression en eut lieu d’abord sans son aveu et sous une forme si défectueuse qu’il fit brûler tout ce qui n’avait pas été distribué de la première édition pour en faire faire une nouvelle sous ses yeux et à ses frais. Son successeur, Edmond Halley, trouva l’édifice dégarni d’instrumens ; les héritiers de Flamsteed avaient tout enlevé. Ce fut peut-être un bonheur pour la science, car Halley, obligé de se procurer de nouveaux instrumens, eut la main heureuse. Dès 1721, il fit construire une « roue méridienne, » semblable à celle que Rœmer et Picard avaient voulu établir à l’Observatoire de Paris et qui, repoussée par Cassini, avait été plus tard installée par Rœmer à Copenhague. La lunette méridienne est devenue la cheville ouvrière des recherches astronomiques, et les observations que James Bradley fit à l’aide de cet instrument sont les points de départ de nos catalogues d’étoiles, car elles nous permettent d’apprécier d’une manière certaine les changemens qui s’opèrent