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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/470

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temps déjà, sous la présidence de M. le duc d’Audiffret-Pasquier, était chargée d’étudier une des questions les plus graves, les plus délicates, la réforme de l’administration de l’armée, et les idées, les propositions de cette commission viennent d’être résumées dans un rapport substantiel, habilement mesuré, de M. Léon Bouchard, dont le travail est comme l’exposé des motifs de la loi nouvelle. Assurément c’est beaucoup, c’est surtout la marque de l’intérêt que l’assemblée porte aux affaires de l’armée. Toutes ces lois, celles qui sont déjà votées et celles qui restent à voter, embrassent tous les élémens du problème, touchent à tous les ressorts de l’organisation militaire. Oui sans doute, il reste à savoir si tout marche comme on le croit, si les réformes sur lesquelles on comptait le plus produisent les heureux effets qu’on attendait, si une impulsion féconde et coordonnée préside à l’ensemble, si on ne se laisse pas aller un peu trop dans l’exécution à un vieil esprit d’habitude et de routine.

Les déceptions sont nombreuses et déjà évidentes sur plus d’un point, même sur des points graves. On comptait sur la loi assez libérale votée récemment pour retenir les sous-officiers, pour leur donner le goût de la profession militaire et assurer ainsi une certaine solidité à ces cadres pour ainsi dire élémentaires de l’armée. Il n’en est rien, la loi est insuffisante, les sous-officiers ont hâte de gagner l’heure de la libération légale pour secouer le harnais militaire. Comment reprendre cette question délicate ? Il est clair que la solution n’est pas dans l’augmentation de quelques centimes de solde ou dans la promesse de quelques avantages matériels à la fin du service ; elle est plutôt dans une amélioration réelle, sérieuse, de la condition des sous-officiers. Une institution à laquelle on attachait une véritable importance, celle du volontariat d’un an, est un nouveau sujet de mécompte plus grave peut-être encore. Par cette institution empruntée à la Prusse, on voulait dispenser du service de cinq ans les jeunes gens intelligens, instruits, destinés par leurs études aux carrières libérales et à la haute industrie. Ces volontaires d’un an devaient être astreints à un examen et à une cotisation dont l’objet était de subvenir aux frais de leur entretien sous les drapeaux, en compensation de l’avantage que l’état leur offrait. Qu’est-il arrivé ? L’institution n’a pas tardé à dévier de son but et à se trouver tout à fait dénaturée dans l’application. Le niveau de l’examen s’est abaissé pour laisser la première place à la condition pécuniaire. Le volontariat est devenu quelque chose de très élastique, assez semblable à l’ancienne exonération, un moyen d’éluder le service obligatoire de cinq ans mis à la disposition de ceux qui ont eu 1,500 francs à donner. L’inégalité d’instruction parmi les exonérés a été aussitôt un premier embarras, une complication pour ceux qui ont eu à les former hâtivement. Ce n’est pas tout : une certaine tolérance