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« clairvoyance inconsciente de l’avenir, » et c’est parce que, dans certain cas, l’intelligence humaine elle-même reflète plus ou moins confusément le rayonnement des réalités futures qu’elle a pu donner lieu à ces phénomènes de clairvoyance ou de seconde vue qui ont défié la sagacité comme le scepticisme des observateurs les moins disposés à se payer d’apparences.

L’instinct n’est donc le résultat ni d’une intention raisonnée, ni de l’organisation corporelle, ni d’un pur mécanisme cérébral ou plaqué du dehors sur l’être vivant ; c’est la fonction propre de l’individu en tant que voulu par la volonté générale et voulant lui-même les moyens qui réaliseront finalement le but qu’il ignore, mais que cette volonté se propose sans en avoir conscience elle-même. La philosophie de Hegel a reconnu la réalité de l’idée, dont elle décrit la dialectique immanente dans le monde et dans l’histoire, elle a oublié que l’idée seule est absolument inféconde. L’idée seule reste idée, c’est-à-dire une non-réalité, la volonté est nécessaire à sa réalisation. Pour que l’être soit, il faut qu’il veuille être. À son tour, la philosophie de Schopenhauer a bien fait de poser en principe souverain la volonté inconsciente, mais elle n’a pas vu qu’une volonté ne peut se passer d’objet, de but, d’idée. Pour vouloir, il faut vouloir ceci ou cela ; autrement la volonté n’est qu’un effort dans le vide. C’est ainsi que nous arrivons à juxtaposer, comme se conditionnant mutuellement et indispensables l’une à l’autre, la volonté et l’idée, qui, réunies dans la catégorie supérieure de l’inconscient, forment la clé générale et en quelque sorte le passe-partout de l’univers.

Nous pouvons en effet suivre à la trace l’existence d’une volonté active et d’une finalité inconsciente dans une foule de phénomènes où leur présence ne se manifeste pas d’une manière aussi immédiate que dans ceux dont il vient d’être question. On peut la démontrer dans les mouvemens dits réflexes, c’est-à-dire ces mouvemens qui proviennent de l’excitation d’un nerf sensible transmise par celui-ci à un centre nerveux qui la transmet à un nerf moteur, lequel la traduit enfin en mouvement musculaire déterminé. C’est dans cet ordre de faits qu’il faut ranger une masse de phénomènes qui tiennent à la fois de la physiologie et de la psychologie, tels que l’excitation produite sur l’organe vocal par celle de l’oreille percevant des sons (développement de la faculté de parler et de chanter), ou bien le don de la repartie prompte, du trait spirituel partant comme une flèche avant toute réflexion. C’est en se transformant en mouvemens réflexes que nos actes réfléchis deviennent prompts et faciles. Notre volonté cérébrale n’a plus dès lors qu’à donner un ordre général et qu’à laisser le soin des détails à d’autres centres de mouvement. C’est par là que nous pouvons nous livrer à une longue