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du vice-roi, on est surpris de trouver encore dans les dépenses publiques une somme de près de 8 millions pour la liste civile du khédive et près de 4 pour celle du prince héritier.

Une grande amélioration de ce dernier budget sur les précédens, c’est que, par un scrupule tout nouveau, on y fait figurer 31 millions pour le service de la dette flottante, jusqu’à la rentrée de la partie à option de l’emprunt 1873, dont l’intérêt de la moitié figure seul dans le service de la dette consolidée ; mais cette somme est évidemment insuffisante eu égard au chiffre des bons de toute sorte émis et non convertis. Il y a aussi chaque année à faire face aux sommes énormes destinées aux amortissemens à court terme, d’où il résulte que le déficit en numéraire, c’est-à-dire les sommes à se procurer pour payer les dépenses obligatoires, dépassent singulièrement chaque année les sommes perçues. Ce n’est pas être pessimiste que d’évaluer encore à 40 millions le déficit actuel ; la proportion est forte pour un budget de 250 millions.

À côté de ces mauvais élémens de la situation, il faut cependant citer les bons. L’Égypte n’est un état ni très peuplé ni très étendu ; elle ne renferme que 5,200,000 habitans environ, ne possède ni bois, ni fer, ni charbon ; mais ses terres sont d’une fertilité merveilleuse. Sur 2,100,000 hectares cultivés, dont 600,000 appartiennent au vice-roi, la production dépasse de beaucoup les besoins de la consommation. Avec des travaux de dessèchement ou de canalisation, on pourrait livrer 840,000 hectares de plus à la culture et surtout à la culture industrielle, qui donne lieu à des exportations si fructueuses. Les 88,000 étrangers qui habitent l’Égypte n’y entretiennent pas ces antagonismes de races, de cultes, qui s’opposent à la prospérité intérieure de la Turquie. Il y a bien en Égypte comme en Turquie une question judiciaire, c’est-à-dire que les étrangers y jouissent aussi de certains droits de juridiction spéciale dont le gouvernement voudrait s’affranchir ; mais, s’il attache à cette revendication une certaine importance théorique, l’inconvénient en fait est moindre à cause du naturel des habitans, qui rend les conflits très rares entre eux et les étrangers. Les sujets du vice-roi se distinguent par une douceur, une sobriété et une docilité sans égales, comme on l’a bien vu à propos des avances du mokabala. Déjà une loi rendue par Saïd-Pacha en 1857 avait promis de concéder l’entière propriété du sol aux fellahs qui pendant cinq ans mettraient une terre inculte en valeur ; Mahmoud-Pacha ne tint nul compte de cet engagement, ce qui ne l’empêcha pas de demander une anticipation de six années d’impôts, moyennant l’obtention de ce même droit de propriété accordée aux fellahs sur les terres qu’ils cultivent. Ils se sont prêtés à cette nouvelle charge