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d’une page, au milieu de vingt remarques indifférentes. Ces ouvrages représentent, pour nous, l’état du travail avant que nous commencions à le composer, alors qu’il est encore à l’état brut et informe. La villa Albani possède un bas-relief de petites proportions qui représente l’apothéose d’Hercule ; M. Stephani lui consacre un volume de deux cents pages in-4o imprimées en caractères très fins, pleines de faits, surchargées de notes ; il ne dit rien de ce monument qui ne soit connu. Cependant, quand on est familier avec cet ouvrage, qui a pris rang dans la science, on y trouve sur plusieurs sujets beaucoup à apprendre, on reconnaît que l’auteur a une vaste érudition. Quiconque s’occupe de ces études peut citer un grand nombre de faits de ce genre. Telle est même la foule des exemples qui se présentent, qu’il serait difficile de choisir entre eux. Ce qui est plus grave, c’est que les maîtres de la science se défendent mal de ces défauts ; nous les retrouvons jusque dans les œuvres de Gerhard, de Panofka, de Welcker. Ottfried Müller lui-même n’en est pas exempt. Les Allemands s’étonnent que nous puissions avec facilité exposer une question, montrer nettement le pour et le contre et conclure. Si nous faisions des manuels érudits, ils reconnaissent que nous les ferions mieux qu’eux. Pour les sciences physiques et naturelles, ils ont traduit et donné à leurs élèves beaucoup de nos livres élémentaires qui sont devenus classiques dans leurs écoles ; ils désespéraient de trouver une forme d’exposition qui se prêtât mieux à l’enseignement[1].

Nous croirions volontiers que les enquêtes minutieuses de nos voisins ne doivent avoir que des conclusions certaines. Ce sage pays est aussi celui du paradoxe. Dès qu’il faut s’élever à une idée générale, on se demande à quoi sert cette accumulation de faits. Il semble qu’au milieu de ces documens mal classés l’écrivain fatigué se forme une opinion en un instant, et plie ensuite la foule des preuves qu’il a réunies dans le sens d’une thèse trop vite choisie. S’il est sûr de lui-même, c’est sur le détail ; là, dans un sujet restreint, il excelle. Il a aussi un mérite hors ligne pour les rapprochemens matériels qui éclairent un fait par un fait. Aucune qualité n’a contribué davantage aux progrès des sciences philologiques, de l’épigraphie, de la chronologie. M. Théodore Mommsen a vécu dans l’étude des choses de Rome ; ses recherches sur des questions spéciales, ses grands recueils épigraphiques, l’ont mis au premier rang de l’érudition contemporaine. Quand il a voulu écrire une histoire suivie, l’Histoire romaine, il semble qu’il se soit accordé quelques

  1. Tels sont les ouvrages de Cauchy, Lacroix, Navier, Duhamel, Pouillet, Ganot, Regnault.