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Grèce, et qui le plus souvent doit consulter des auteurs qui ne sont pas classiques, dont le texte est obscur et mal fixé. À plus forte raison, la philologie comparée nous offre-t-elle de grandes difficultés. À ces inconvéniens s’ajoutent tous ceux qui proviennent non plus d’une connaissance imparfaite du grec, mais de l’ignorance des langues modernes. Aujourd’hui où l’Angleterre et l’Allemagne surtout produisent un si grand nombre d’ouvrages, maintenant que le latin n’a plus seul le privilège d’exprimer les idées scientifiques, se borner à étudier le latin ou les idiomes qui en dérivent constitue la plus sérieuse infériorité. Nous laissons travailler autour de nous une foule d’ouvriers dont nous ne pouvons suivre ni les progrès ni les erreurs, tandis qu’ils profitent toujours des nôtres.

Il y a cinquante ans, quand cette supériorité de l’Allemagne se manifesta pour la première fois, le danger n’était pas grand encore ; la marche du temps l’a rendu plus grave. Engagés dans une voie sûre, nos rivaux ont ajouté chaque jour non-seulement à leurs connaissances, mais à la précision de la méthode ; elle leur est devenue si familière par le fait seul de l’usage qu’ils ne sauraient s’en départir. Chez nous au contraire, il faut que chaque nouveau-venu l’apprenne et fasse de nombreuses écoles. Le plus souvent, quand nous la voyons clairement telle qu’elle est, nous constatons que les instrumens qui permettent de l’appliquer nous manquent : que d’études alors ne faut-il pas recommencer !.. Ainsi, dans l’état où est en France l’érudition, la réforme capitale est de donner à la grammaire, aux langues, à tout ce qui en facilite l’intelligence et l’usage, une place importante dans l’enseignement. La méthode ne vient qu’en second lieu ; la netteté de notre esprit la comprend très vite, et nous l’appliquons avec une sûreté que tous nos rivaux nous envient. Les mesures pratiques qu’ont à leur disposition ceux qui dirigent l’enseignement doivent donc se borner à faire étudier le latin au point de vue philologique, à rendre un plus grand nombre d’élèves maîtres du grec, à les familiariser avec l’allemand et l’anglais. Pour le reste, notre instruction, croyons-nous, est supérieure à celle de l’Allemagne. L’administration s’est montrée plusieurs fois résolue à modifier les programmes sans les changer trop complètement. L’opinion l’y engageait ; d’excellens ouvrages ont plaidé cette thèse et fait des conversions. Déjà l’enseignement à l’École normale subit des changemens sensibles. La philologie n’est pas encore à la place d’honneur, aucun maître n’y professe l’histoire de la langue française ; mais on commence à y voir que la section de grammaire, au lieu d’être réservée à quelques-uns, doit être commune à tous.

À côté de ces réformes, faites avec lenteur, une règle de conduite excellente serait de mettre dans l’enseignement des facultés