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publique. Lorsqu’on a voulu fonder une université à Stamboul, on y a créé les cours les plus élémentaires, et cette tentative a néanmoins échoué devant une opposition systématique et aveugle. Quant au conseil impérial de l’instruction publique, il a vécu quelque temps et vit peut-être encore aujourd’hui, parce qu’il assure à ses membres une oisiveté bien rétribuée.

Le budget du ministère de l’instruction publique a été longtemps de 2 millions de francs pour tout l’empire ; en arrivant au grand-vizirat à la fin de 1871, Mahmoud-Pacha le réduisit à 1,300,000 fr., dont près de la moitié étaient employés à rétribuer le ministre, son mustêchar (secrétaire-général) et ses conseillers. Tout ce personnel n’est qu’un luxe d’apparat, et il serait facile de le réduire à un directeur et à quelques employés. Le ministère de l’instruction publique n’a en effet dans son ressort ni les écoles spéciales, ni les cours des mosquées, ni les ruchdiyés, ni même les écoles de quartiers, ces divers établissemens ayant leurs ressources propres ou dépendant d’autres administrations. Les écoles fondées et entretenues par les raïas et les étrangers s’administrent à leur gré. L’action du ministre de l’instruction publique ne s’étend donc que sur un très petit nombre d’établissemens, l’école normale de Stamboul par exemple, et certaines petites écoles de province.

La loi de 1869 n’a apporté aucun changement réel à l’état de l’enseignement ; en dehors du petit nombre d’élèves admis aux écoles spéciales et de ceux qui suivent les cours des mosquées, les enfans turcs continuent à n’apprendre que la lecture, l’écriture, le calcul, et encore sont-ils peu versés dans ces connaissances élémentaires. L’écriture turque, qui manque d’accens et de ponctuation, présente quatre systèmes différens de caractères, familiers à un très petit nombre de personnes seulement. La lecture offre aussi des difficultés spéciales : un mot écrit peut se lire de différentes manières, parmi lesquelles le sens de la phrase seul peut servir de guide. Quant à la langue relevée, elle est formée de mots tirés du turc proprement dit, de l’arabe et du persan ; il faut donc connaître ces trois langues pour bien savoir le turc, qui est rendu plus élégant par des emprunts plus nombreux à l’arabe et au persan. On rapporte qu’Ali et Fuad pachas, très versés l’un et l’autre dans la connaissance de leur langue, n’étaient pas toujours compris de leurs collègues à la Sublime-Porte lorsqu’ils conversaient entre eux en style élevé. On ne sera pas étonné d’après cela qu’un Turc sachant correctement lire et écrire sa langue soit réputé savant. On en citerait des plus haut placés qui n’en sont pas arrivés là. L’ignorance est générale chez eux ; aussi, pour masquer leur insuffisance et n’être pas forcés à marcher, condamnent-ils tout à l’immobilité ; de peur de voir le sol et la richesse passer complètement en des