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chevaliers, ne sachant pas signer et traçant sur les chartes, au lieu de leurs noms, une grossière figure comme un casque, une tête d’animal ou bien le dessin fort imparfait de leurs armoiries. Sur une charte actuellement exposée au musée des Archives nationales, et qui date du XIVe siècle, Guy, comte de Forez, annonce sans façon que, ne sachant pas écrire, il emprunte la main d’un clerc, et à la suite de la souscription il met simplement sa croix. Les Carlovingiens et les premiers Capétiens se contentaient souvent pour toute confirmation d’anciennes chartes d’y apposer leur sceau ; les seigneurs les imitaient.

L’usage de sceller devint ainsi général, et ce qu’avaient d’abord simplement pratiqué les souverains, les grands feudataires, les papes, les prélats, fut adopté par toutes les personnes de quelque importance, par les établissemens religieux et les diverses corporations et communautés. La présence du sceau fut jugée nécessaire pour valider un acte. Les seigneurs cessèrent de passer des contrats sans y apposer leur sceau, ce qu’ils avaient fait antérieurement ; les contestations qui s’élevaient déjà au XIIe siècle touchant les chartes rédigées sans cette formalité eurent plus que jamais leur raison d’être. Il fallait qu’une pièce dont le sceau avait, disparu présentât de bien grands caractères d’authenticité pour que les parties l’acceptassent, et l’on pouvait toujours la mettre en doute. Aussi Joinville cite-t-il comme un exemple de la grande générosité de saint Louis la conduite que le pieux monarque tint à l’égard de Renaud de Trie. Il laissa à celui-ci le comté de Dammartin, quoique la charte de donation que l’on produisait n’offrît plus qu’un mince fragment de sceau, ce dont s’armaient les conseillers du roi pour l’engager à reprendre la donation. Les sceaux, devenus de véritables signatures, n’en continuaient pas moins de servir à cacheter les lettres missives. Les brefs du pape par exemple étaient souvent entourés d’une bandelette de parchemin qui empêchait de les déplier et sur laquelle on imprimait l’anneau du pêcheur.

Là où existaient des notaires publics, comme dans le midi de la France, qui vit dès le XIIe siècle ces officiers institués dans les domaines de certains grands seigneurs, les actes passés devant eux n’étaient pas signés de leur main. Les parties se contentaient d’y apposer leur sceau, et mention en était faite dans l’acte avec celle des témoins. De même les actes passés par les baillis, les sénéchaux, les prévôts, etc., furent revêtus du sceau de ces magistrats et de ceux des parties contractantes. L’usage de sceller les actes sans les signer se continua en Angleterre, en Écosse, en Irlande, pendant le XIVe siècle, et il était encore, à la fin du XVIe pratiqué dans toute l’Allemagne et la Suisse. Jean Bouteiller, conseiller au parlement sous Charles VI, dit dans son Grand Coutumier général que les