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industrielles plus parfaites que celles qui existent exigeraient chez les ouvriers et plus de prévoyance et un sentiment plus élevé de la justice que cela n’existe aujourd’hui. Au contraire leurs idées fausses sur l’égalité des salaires les mettent précisément dans un état d’infériorité qui ne leur permet pas de lutter contre les anciens arrangemens sociaux, fondés sur la proportion du travail et de la rémunération. En un mot, pour conclure avec l’auteur, « le type industriel actuel est à peu près le meilleur qui soit possible avec la nature humaine actuelle. Les maux qu’il entraîne ne sont autres que les maux qu’attirent aux hommes leurs propres imperfections. » Dans l’état actuel, dit encore l’auteur, « l’administration coûte cher parce que les hommes à conduire sont très imparfaits. A mesure que leurs défauts s’atténueront, elle deviendra plus économique, et par conséquent eux-mêmes auront une part plus grande de bénéfices. »

À ces préjugés des classes laborieuses, l’auteur oppose, avec une ferme indépendance, ceux des classes qui font travailler, et c’est un des dangers de cette question qu’il soit à peine permis par l’opinion de faire ressortir ces préjugés sans être taxé de prendre parti contre les classes possédantes. Ainsi, pour les conservateurs, toute grève d’ouvriers a toujours tort. L’idée de refuser l’ouvrage au-delà d’un certain salaire est quelque chose d’intolérable. L’auteur cite la grève des ouvriers gaziers à Londres : on était prêt à demander de réprimer par la force un acte entraînant d’aussi grands ennuis. Ceux qui ont vu, il y a quelques années, la grève des cochers de fiacre à l’époque du jour de l’an doivent se rappeler que l’opinion générale était de l’indignation, comme s’il y avait des hommes créés par la nature exprès pour conduire les autres en voiture. On ne voit pas que ce sentiment, traduit en actes, conduirait tout droit au travail servile. De même écoutez les plaintes sur les exigences croissantes des domestiques. Ceux-là même qui sont les plus ardens à améliorer leur condition sont très étonnés de voir que des domestiques aient exactement la même idée qu’eux. Les fonctionnaires, qui vont voltigeant de ville en ville pour avoir de l’avancement, se plaignent que les domestiques ne restent plus attachés à la maison comme autrefois, vieux meubles de famille. « Les classes dominantes., dit hardiment M. Spencer, ne se doutent pas que leur seule raison d’être légitime est précisément l’amélioration de la vie des gens du peuple. La sujétion du grand nombre au petit nombre n’a d’autre justification que de favoriser le développement du bien-être. » Les riches ne voient pas davantage que l’effacement des distinctions est un progrès non-seulement pour les classes dirigées, mais encore pour les classes dirigeantes. Les nobles et les grands