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n’entendait pas faire dire de lui qu’il était rentré à prix d’argent dans son gouvernement. Richelieu ne prit pas le change, mais il voulait pour sa nièce le plus grand parti de la cour, il voulait surtout avoir dans sa main l’orgueilleuse et redoutable maison ; par le fils il crut tenir le père. Telles furent les conditions où s’accomplit l’absolution de Coutras. L’avantage moral restait en définitive à celui qui avait noblement supporté l’épreuve, et non au tout-puissant ministre qui n’avait su laisser voir que sa mauvaise foi et les calculs intéressés de son amour-propre.

De toutes les passions du cardinal, la vanité, on le sait, n’était pas la plus bénigne conseillère. Bernard de La Valette commit la faute énorme de tromper ses calculs. Ce fut sa perte, et sa perte entraîna celle de son père. La Valette, héritier de tous les vices paternels, mais qui ne reproduit de d’Épernon ni l’admirable énergie, ni les talens, ni l’esprit, — bien qu’il fût très loin d’être un sot, — devenu à son corps défendant neveu de l’éminence, se vengea sur sa femme par ces dédains offensans dont sa race semble avoir eu le privilège. L’indignation du cardinal fut extrême ; il prit très justement l’insulte à son compte, et, sans éclater ouvertement de peur d’égayer la malignité de la cour, qui n’était déjà que trop sceptique à l’endroit de l’illustration du sang des Du Plessis, il voua une inimitié mortelle à cet allié qui osait le mépriser. Loin de chercher à désarmer cette inimitié, La Valette ne songea qu’à en prévenir les effets en travaillant à la chute du ministre. Dès l’année qui suivit son mariage, il entrait à Péronne dans un complot contre lui dont Gaston et Soissons étaient les chefs. S’est-il disculpé, comme l’affirment plusieurs contemporains et Richelieu lui-même, par la délation de ses complices ? On est sans preuves de cette infamie, et le témoignage de Richelieu est de tous le moins probant, car les extrémités où il se porta contre le père et contre le fils lui font en quelque sorte une loi de les noircir. Ce qui ôte toute vraisemblance à l’accusation, c’est que La Valette prit une part plus ou moins active à toutes les conjurations tendant au même but et réunissant les mêmes hommes qui se tramèrent depuis le complot de Péronne jusqu’à sa fuite en Angleterre.

L’animosité du cardinal ne faisait que s’accroître des ménagemens extérieurs qu’il s’imposait. Quand elle put enfin se donner carrière en 1638, grâce à la défaite de Fontarabie, dont il persuada au roi que La Valette était seul responsable et devait seul porter la peine, la France, si habituée qu’elle fût aux explosions de la fureur de son maître, resta confondue du spectacle qu’il donna. La vengeance, la soif de sang, criaient par sa bouche. Dans un procès criminel où il y allait non-seulement de l’honneur, mais de la vie de son neveu, il parla de faire office contre lui de procureur-général. Il viola toutes