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Paris le drapeau rouge, qui flottait encore. Le général Douay, prévenu aussitôt, hâtait le mouvement de son 4e corps. Informé à son tour de ce qui se passait, le maréchal de Mac-Mahon, qui se trouvait au Mont-Valérien, prenait toutes ses dispositions pour faire concourir toutes ses forces à l’action décisive.

Le signal de la rentrée dans Paris était donné. Au moment où se dessinaient les événemens, la commune tenait une dernière séance, et le délégué à la guerre, Delescluze, appelait un des chefs de l’insurrection pour lui proposer une opération fort simple. Il s’agissait de laisser entrer une partie de l’armée de Versailles, une quarantaine de mille hommes, puis de se jeter sur ses flancs, de lui couper la retraite en allant réoccuper la porte de Saint-Cloud et de la faire prisonnière ! Il était un peu tard. Déjà, sans perdre un instant, l’armée marchait de toutes parts. Tandis que la division Vergé s’avançait directement sur les quais, le 4e corps gagnait par Auteuil et Passy. A neuf heures du soir, le 5e corps de Clinchant venait, lui aussi, entrer par la porte de Saint-Cloud, et à quelques heures d’intervalle il était suivi du 1er corps de Ladmirault. De son côté, sur la rive gauche, le 2e corps de Cissey, aidé par une des divisions de Vinoy, forçait la porte de Versailles et s’avançait par Grenelle. Avant que la nuit fût écoulée, on avait la Muette, le Trocadero, le Champ de Mars, l’École-Militaire. Le maréchal de Mac-Mahon lui-même se transportait au milieu de ses troupes. Seulement cette nuit n’avait pas été perdue pour les fédérés. De toutes parts, s’élevaient en quelques heures de formidables barricades. il devenait clair que l’insurrection, menacée dans ses derniers retranchemens, exaltée par la haine, était décidée à une résistance désespérée, dût Paris rester enseveli sous les ruines.

Ici en effet s’engage la grande bataille de sept jours, lutte furieuse, exaspérée, de la part des insurgés, méthodique et irrésistible de la part de l’armée. Aller se jeter de front sur des barricades qui en certains points, particulièrement aux abords des Tuileries, prenaient des proportions colossales, c’eût été une dangereuse imprudence qu’on eût probablement payée de bien du sang versé. Les chefs de l’armée agissaient tout autrement. Maîtres désormais d’une solide base d’opérations, ils procédaient par une série de mouvemens concentriques, par des cheminemens à travers les rues latérales, même à travers les maisons, tournant les barricades, tendant sans cesse à envelopper Paris en occupant les grandes artères, les points stratégiques. C’était d’autant plus nécessaire que les défenses intérieures de l’insurrection ne manquaient pas elles-mêmes d’une certaine organisation méthodique. — Le 22 au matin, tout s’ébranle. Le général Ladmirault suit le chemin de ceinture pour gagner la