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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/229

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consiste à prendre des apparences pour des réalités, à s’agiter dans le vide, à imaginer toute sorte de combinaisons arbitraires, à se perdre en contentions subtiles et infécondes. La meilleure politique sera toujours celle qui, laissant de côté tout ce qui n’intéresse que les partis ou même les coteries, ira droit aux questions vitales, essentielles, qui seules ont de l’importance pour le pays, parce que seules, suivant ce qu’on fera pour les résoudre, elles peuvent décider des destinées publiques et de l’avenir. La question d’organisation constitutionnelle elle-même n’est si pressante que parce que ces débats infiniment trop prolongés et au bout du compte assez monotones détournent sans profit une activité et des forces qui pourraient être mieux employées ailleurs, parce que, la situation intérieure une fois fixée, on pourra se consacrer avec plus de suite aux trois choses qui dominent tout : le rétablissement progressif et pacifique de l’influence française, la réorganisation militaire, la régularisation de nos finances. Voilà un programme auquel les partis peuvent s’attacher sans courir le risque de troubler et de fatiguer une malheureuse nation impatiente de s’occuper de ses affaires dans la paix et dans la sécurité.

La meilleure preuve que ce sont là les choses les plus importantes, c’est l’intérêt attentif, quelquefois presque passionné, avec lequel on suit le développement des réformes qui ont pour objet la reconstitution de l’armée. Il n’est pas de jour où toutes ces questions des cadres, de l’état des sous-officiers, de l’engagement conditionnel ou volontariat d’un an, ne soient agitées avec vivacité, souvent avec fruit. La loi sur les cadres de l’armée, elle n’est point encore votée, elle n’était même pas présentée jusqu’ici. Le projet préparé par la grande commission militaire vient d’être publié avec le rapport de M. le général Chareton, qui a remplacé M. de Chasseloup-Laubat dans la tâche difficile de parler au nom de cette commission. La loi nouvelle embrasse l’organisation tout entière, la composition des régimens, elle touche surtout aux officiers. Quant aux sous-officiers, il n’est malheureusement pas douteux que la question reste toujours grave et que la loi qui a été votée l’été dernier semble n’être qu’un remède inefficace à un mal croissant, — la mobilité et l’inconsistance des cadres subalternes de l’armée par le départ périodique de tous les sous-officiers qui arrivent à l’heure de la libération. Le recrutement des sous-officiers devient de plus en plus difficile, et leur empressement à quitter l’armée aussitôt qu’ils le peuvent devient de plus en plus frappant. C’est là le mal à guérir ! La dernière loi a été sans doute en certains points un progrès ; mais d’abord l’effet ne peut pas être immédiat, puis ce n’est pas seulement une question matérielle : une légère amélioration de solde ne suffit pas pour fixer sous le drapeau des hommes qui trouvent évidemment plus d’avantages dans la vie civile. Le remède est bien plutôt sans doute dans la condition des sous-officiers, dans les traitemens dont ils sont l’objet, dans le