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Jamais celui-ci n’avait manqué de respect pour les princes de la maison de Nassau ; il avait quelque temps espéré que cette illustre famille pourrait donner l’indépendance à la Belgique. Il se rendit donc chez le prince d’Orange, mais il ne lui cacha point que les derniers événemens avaient détruit cette espérance. Beaucoup de gens cherchaient à caresser et à entretenir ses illusions, il aimait mieux lui dire la vérité ; le prince le remercia de sa franchise, lui serra la main et versa quelques larmes. « C’est donc pour la dernière fois que nous nous voyons. — Pour la dernière fois, et croyez que j’ai le cœur aussi serré que votre altesse royale. »

Van de Weyer, placé dans la position la plus difficile, ambassadeur d’une puissance non reconnue, jeune et sortant à peine de l’obscurité, sut cependant, à force de tact, de loyauté, et par une sorte d’autorité innée, conquérir du premier coup le respect universel. Il rechercha tous les concours, il n’en mendia aucun, il se garda de toute bravade comme de toute faiblesse. Causeur charmant, il sut être économe de paroles. Sérieux sans pompe, pressant et courtois, enhardi par la grandeur de la cause qu’il défendait sans se dissimuler toutes les difficultés qu’il aurait à vaincre, il trouva sans peine le ton des grandes affaires. Après lord Aberdeen, il vit le duc de Wellington, alors premier ministre. Il emporta de cette conversation la conviction que Wellington serait satisfait tant que le champ de bataille de Waterloo ne serait pas terre française et que la Belgique ne proclamerait point la république.

Au reste, les derniers jours du cabinet tory étaient déjà comptés : le duc de Wellington et lord Aberdeen durent bientôt céder la place à lord Grey et à lord Palmerston.

Pendant son absence, van de Weyer avait été nommé membre du congrès national à Louvain et à Bruxelles. Le congrès à peine réuni, van de Weyer rendit compte de sa mission à Londres, et laissa percer, autant que son rôle le permettait, toutes les espérances qu’il avait conçues pendant son séjour en Angleterre. Ce discours, chef-d’œuvre de finesse, d’élégance et de grâce circonspecte, fit une profonde impression sur le congrès ; van de Weyer fut élu président du comité diplomatique, composé du comte de Celles, de M. Nothomb, du comte d’Arschot, de M. Lehon et de M. Destriveaux.. Cette présidence le constituait ministre des affaires étrangères. Le premier acte de la conférence avait été, le 4 novembre, de proposer un armistice, et de prendre pour ligne de l’armistice la frontière hollandaise du traité du 30 mai 1814. Accepter, c’était sembler consentir d’avance à cette délimitation des frontières ; refuser, c’était braver l’Europe entière et la France même, qui recommandait la soumission à la conférence. Une discussion des plus vives s’engagea dans le sein du gouvernement provisoire. Gendebien voulait refuser