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cours : elles s’établirent à travers le continent américain, et le détroit de Magellan ne revit plus de caravelles espagnoles. On croyait cette porte à jamais fermée, et on la laissait à dessein se rouiller sur ses gonds. Des ennemis envieux se chargèrent de la rouvrir. En 1578, le passage qui avait livré à Magellan l’accès des Moluques amenait les Anglais au cœur de la domination espagnole.


III

Le pape avait laissé à l’Espagne le chemin de l’ouest, celui de l’est au Portugal ; on ne songeait pas encore au chemin du nord. En 1496, avant même que les Portugais eussent touché le rivage de Calicut, Henri VII délivrait des lettres patentes à Jean Cabot et à ses trois fils pour qu’ils allassent chercher vers l’occident un passage au Cathay ; il ne leur imposait pour conditions que de se maintenir au nord des dernières découvertes espagnoles. En 1498, en 1517, Sébastien Cabot renouvelait à deux reprises différentes cette tentative. Ce fut ainsi qu’on eut pour la première fois connaissance de l’île de Terre-Neuve et de toute la côte qui s’étend de la baie d’Hudson à la Virginie. En 1526, Sébastien Cabot entrait dans la Plata ; il y arrivait après Juan de Solis, mais il poussait jusqu’au Paraguay. C’était se mettre en contradiction flagrante avec la décision du suprême arbitre que de venir, quand on s’avouait sujet de Henri VIII, chercher fortune en de pareils parages. Tout au plus cette audace eût-elle été permise lorsqu’en 1533 Henri VIII eut rompu avec le saint-siège. Nous voyons cependant sous le règne d’Edouard VI, vingt ans après la proclamation du schisme, — en 1553, — les Anglais revenir au dessein plus avouable d’Henri VII, — preuve manifeste, à mon sens, du respect général qu’inspiraient encore ces sentences si longtemps tenues pour l’indiscutable base du droit européen. Le chevalier Hughes Willoughby et Richard Chancellor dépassèrent alors avec trois vaisseaux les îles danoises et l’extrémité de la Norvège. Le premier mourut sur les côtes de Laponie, le second n’arriva pas aux états du grand-khan ; il se rendit par terre à la cour du grand-duc de Moscovie. En 1556, Etienne Burrough atteignait la Nouvelle-Zemble, et cherchait vainement le détroit de Weygats ; Arthur Pet et Charles Jackmann trouvaient ce passage en 1580 ; ils ne réussissaient pas à le franchir. Rebutés par tant d’essais infructueux, les Anglais tournèrent leurs visées ailleurs. Martin Forbisher partit, le 12 juin 1576, de Gravesend pour aller, à l’exemple de Sébastien Cabot, chercher par le nord-ouest un chemin vers la Chine. Qu’on s’y rendît par le nord-ouest ou par le nord-est, le plus court était évidemment de s’y rendre par les régions qui avoisinent le pôle. C’est là réellement que le monde en se