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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/583

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que le gouvernement de M. Thiers est tombé. Les petites passions personnelles, les intrigues parlementaires, les mécontentemens provoqués par des rencontres forcées qui n’étaient pas des alliances, ont joué sans doute leur rôle dans cette lutte : la grande cause qui domina tout et amena le denoûment fut le dissentiment du président et de l’assemblée sur la question de la république et de la monarchie. C’est cette cause dont on parlera toujours quand tout le reste sera oublié.

On le vit bien le lendemain de la victoire de la coalition qui renversa M. Thiers. Il semblait, en s’en tenant aux paroles prononcées par les chefs de cette coalition, que le parti vainqueur n’aurait qu’une pensée au pouvoir : relever le drapeau de la conservation sociale qu’on avait tant reproché à M. Thiers d’avoir abaissé devant les exigences du parti républicain. Ou nous nous trompons fort, ou c’était bien là la politique de l’un des plus ardens promoteurs de la chute de l’ancien président. Quand M. de Broglie arriva au pouvoir, nous avons tout lieu de croire, en nous rappelant ses déclarations passées et présentes, que la grande question pour lui était, non pas entre monarchistes et républicains, mais entre conservateurs et radicaux. Sa politique était donc de maintenir dans le gouvernement entre toutes les fractions de la majorité l’entente qui avait donné la victoire à l’opposition. Nous persistons à penser qu’il ne vit pas sans quelque inquiétude commencer la campagne pour la restauration monarchique, et qu’il n’a jamais trop partagé, même en s’associant à cette entreprise, l’ardeur et les illusions de ses amis. Outre qu’il avait trop de finesse et de sang-froid pour ne pas apercevoir les difficultés de l’entreprise, il voyait bien qu’elle devait amener, sinon une dislocation, du moins une diminution de la majorité par la retraite du groupe bonapartiste. Et cette majorité n’était pas telle qu’on pût être indifférent à l’appoint que fournissait ce parti. M. de Broglie avait toujours été, comme sa noble famille, un adversaire de l’empire. Les derniers malheurs de notre France avaient certainement redoublé son aversion pour une famille et un gouvernement qui les avaient causés ; mais la peur, disons plus, l’horreur du radicalisme était si forte dans son esprit que, s’il lui en coûta de recourir à de pareils alliés pour obtenir la victoire, il en eut moins de regret que certains de ses amis. Il ferait encore, nous l’espérons, la guerre avec eux au bonapartisme envahissant ; il ne ferait pas la guerre à outrance. C’est contre un autre ennemi qu’il aiguiserait surtout ses armes.

Quoi qu’il en soit, la majorité royaliste de l’assemblée n’avait jamais perdu l’espoir de sortir du provisoire par la restauration de la monarchie. La visite du comte de Paris au comte de Chambord n’eut