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des pouvoirs de son successeur. Le ministère de M. de Broglie n’avait pu faire passer la loi du 20 novembre qu’en promettant formellement la discussion des lois constitutionnelles dans le plus bref délai possible. Trois jours après le vote de cette loi, l’assemblée nomma la commission qui devait les préparer. On n’a point oublié l’enfantement laborieux de cette commission, et comment la difficulté vint d’un parti-pris de n’y faire à la minorité qu’une part fort disproportionnée à son importance numérique. Quand une assemblée est divisée en deux parties presque égales, il n’est que juste d’accorder une large place à la représentation de la minorité. Dix voix données dans une commission de trente membres à une minorité qui dépasse trois cents, ce n’était point trop demander à la justice de la majorité. L’opposition eût obtenu davantage par la nomination des bureaux, ainsi que le démontrent les résultats pour la nomination des précédentes commissions constitutionnelles. La minorité ne fut représentée que par cinq membres, à la tête desquels, il est vrai, on comptait M. Dufaure, dont la parole et l’autorité devaient prêter une grande force à la minorité dans les discussions de la commission.

Tous les membres de cette commission reconnaissaient le pouvoir constituant de l’assemblée et voulaient faire les lois. Tous voulaient les faire dans un esprit conservateur. Quel fut donc le grave dissentiment qui sépara dès le début la majorité et la minorité, quelle que fut d’ailleurs la bienveillante courtoisie qui ne manqua jamais aux débats ? On a dit dans les journaux, et même au sein de la commission dans les séances les plus animées, qu’il ne s’agissait de rien moins que de savoir si c’était une institution ou un expédient que la commission prétendait faire, que, la minorité voulant une institution et la majorité ne voulant qu’un expédient, tous avaient compris dès le premier jour qu’il serait impossible de s’entendre. A vrai dire, ce n’est guère exagérer le dissentiment que de poser ainsi la question. Il y a bien eu dans la majorité quelques membres de l’extrême droite, non pas au début, mais plus tard et lorsqu’une scission se fit entre les fractions de la droite, qui se sont fièrement retranchés dans certaines réserves sur le caractère irrévocable et vraiment constitutionnel de la loi du 20 novembre ; mais ces protestations eurent peu d’écho dans la commission. La grande majorité voulait sincèrement faire les lois pour l’élaboration desquelles l’assemblée nous avait élus. Nous étions tous à peu près d’accord sur la nécessité d’une organisation constitutionnelle, sur son caractère irrévocable pendant sept ans, sur la condition de garanties conservatrices. C’est surtout sur la nature et la portée de ces garanties qu’a porté le débat entre la majorité et la minorité de la commission ; mais à quoi servirait de le nier ? sur ce point capital, le dissentiment conserve encore beaucoup de sa gravité, Sous la